« La liberté de la presse, un combat permanent »

Ex-rédacteur en chef de La Croix, Dominique Gerbaud préside l’ONG Reporters sans frontières depuis octobre 2009. À quelques semaines des Assises internationales du journalisme, qui auront lieu à Poitiers (8-10 novembre), il livre son sentiment sur l’état de liberté de la presse, en France et à l’étranger. Intéressant.

Arnault Varanne

Le7.info

Dominique Gerbaud, rappelez-nous le rôle de Reporters sans frontières ?
« Il consiste à défendre le travail des journalistes, notamment dans les dictatures et les nouvelles démocraties, comme certains pays arabes. Dans beaucoup de pays, il ne va pas de soi qu’ils puissent travailler librement. »

L’arrivée de citoyens reporters sur le marché de l’information bouleverse-t-elle la donne ? 
« Je suis président de RSF (Ndlr : depuis octobre 2009) à une période-charnière pour la profession. Aujourd’hui, beaucoup de blogueurs et de net-citoyens prennent des risques pour informer. Ils méritent d’être défendus, en Iran, au Vietnam, en Chine… En même temps, nous devons être extrêmement vigilants vis-à-vis toutes les formes de contrôle de la presse par ces nouveaux médias. »

L’enlèvement de Stéphane Taponnier et Hervé Ghesquière en Afghanistan avait provoqué des réactions épidermiques des autorités françaises. Les comprenez-vous ? 
« Le journaliste reporter de guerre est un élément très important dans la vie d’une démocratie. Il est de plus en plus mal vu par les autorités militaires et politiques. Nous sommes des empêcheurs de tourner en rond. C’est vrai que leur libération a coûté cher à l’Etat. Maintenant, il faut comprendre que le journaliste, pour rendre compte d’une situation, doit prendre des risques, aller au-delà des chars et des ambassades. »

« Ménard, c’est Ménard… »

RSF classe la France au 44e rang des pays où la liberté de la presse s’exprime le mieux. Pour quelles raisons ? 
« Nous sommes l’un des pays où les journalistes peuvent exercer leur métier librement. (…) Ce qui nous inquiète, c’est qu’il y a de plus en plus d’atteintes à la liberté de la presse. On voit par exemple des journalistes menacés de mort, le secret des sources mis à mal, un président de la République qui se permet de désigner lui-même les patrons de l’audiovisuel public… Toutes ces petites régressions montrent que la liberté de la presse est un combat permanent. On ne peut pas se satisfaire de constater que la principale chaîne de télé, les trois-quatre plus grands journaux, appartiennent à des groupes dépendant de commandes de l’Etat et dont les patrons sont, comme par hasard, des amis de l’actuel président de la République. »

Comment les médias papiers peuvent-ils résister à la déferlante numérique ? 
« Je conçois mal une société sans média papier. En même temps, je suis un lecteur de livres sur iPad… Ce que je souhaite, c’est qu’il y ait une complémentarité entre papier et numérique. »

Dernière question : Robert Ménard a incarné Reporters sans frontières pendant des années. Ses saillies médiatiques doivent vous déranger, non ? 
« Ménard, c’est Ménard, RSF, c’est RSF ! Il a le droit d’exprimer ses opinions, même s’il y a une contradiction fondamentale avec les combats qu’il a menés par le passé. Cela ne me plaît pas. Il a mouillésa chemise pour sortir des gens de prison. En même temps, on aimerait bien qu’il se calme un peu. »

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Bon à savoir

Dominique Gerbaud a 64 ans. Ancien grand reporter à L’Express, ce Deux-Sévrien de naissance et ancien élève… du lycée Saint-Jo, à Poitiers, fut également rédacteur en chef adjoint de La Nouvelle République et rédacteur en chef de La Croix. Il interviendra lors des Assises internationales du journalisme, qui se déroulent les 8, 9, 10 novembre prochains à Poitiers. Retrouvez le programme sur www.journalisme.com

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