
Aujourd'hui
Mardi dernier, Hervé(*) n’en croyait pas ses yeux quand il n’a vu qu’une seule élève en poussant la porte de sa salle de cours. D’autant que ce prof de maths, qui officie dans un lycée professionnel de la Vienne, venait quand même de faire quarante minutes de route pour arriver là. L’année n’est pas terminée mais les absences non justifiées se multiplient parmi les effectifs de terminale professionnelle. Un établissement poitevin a constaté la semaine dernière en moyenne près de 30% d’absentéisme chaque jour en bac pro. Nicolas Laurent, vice-président du Syndicat des proviseurs et personnels de direction (SNPDEN-Unsa), le confirme : « D’après les retours que nous avons, il est clair que le phénomène est plus important que les années précédentes. On a créé une source de démotivation des élèves. » Au centre du viseur, la réforme de la voie professionnelle qui a avancé une grande partie des épreuves du bac à la mi-mai. L’idée ? Libérer six semaines jusqu’à fin juin pour laisser place aux « parcours différenciés ». Certains élèves de terminale sont donc partis en entreprise pour une « période de formation en milieu professionnel » (PFMP) afin de préparer leur insertion, tandis que d’autres pouvaient bénéficier d’un soutien renforcé vers l’enseignement supérieur au sein des lycées. Mais dans les faits, pour ces derniers surtout, « le soufflé est retombé, difficile de faire revenir un adolescent une fois le bac passé ».
D’autres académies subissent la même situation. Dans Aujourd’hui en France, le Snetaa-FO évoque « de 60 à 90 % d’élèves absents » au plan national. La presse nationale s’est également fait l’écho de cette situation pour d’autres académies. « On l’avait dit que ça ne marcherait pas, cet absentéisme a été organisé par le ministère de l’Education nationale », estime Bénédicte Moulin, secrétaire académique du Snetaa-FO, premier syndicat d’enseignants de la voie pro. « Certains élèves en ont profité pour commencer leur job saisonnier, d’autres ont préféré simplement rester chez eux. Et puis il y a tous ceux qui n’ont pas pu trouver de stage. » Officiellement, le rectorat ne dispose pas de chiffres d’absentéisme globaux. Mais affirme toutefois que « les lycées professionnels de Poitiers, interrogés, infirment l'idée selon laquelle l'absentéisme serait en hausse ». Une chose est sûre, chaque établissement a adopté cette réforme selon ses propres modalités. De quoi donner des sueurs froides aux proviseurs. Et Nicolas Laurent de conclure : « Accompagner les élèves vers l’emploi ou l’enseignement supérieur est nécessaire, mais nous appelons à faire un bilan à froid de ces modalités d’action. »
(*)Prénom d’emprunt.
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