L'échec scolaire n'est pas une fatalité

Deux chercheurs en psychologie poitevins ont démontré que les conditions d’apprentissage en classe, et surtout l’interprétation de l’échec, comptaient énormément en matière de réussite scolaire.

Romain Mudrak

Le7.info

L’échec fait partie de l’apprentissage et l’école reste le bon endroit pour affronter ses difficultés. Si vous croyez que ce constat est partagé, vous vous trompez. Parents, enseignants, managers, patrons ont toujours tendance à valoriser la réussite. Quoi de plus normal ! Sauf que, dans ces conditions, l’échec ne joue plus son rôle pédagogique. Il est associé à une impression négative qui empêche toute progression. Deux psychologues, chercheurs au Centre de recherches sur la cognition et l’apprentissage, laboratoire lié à l’université de Poitiers et au CNRS, ont démontré que
l’interprétation de l’échec par les adultes, et les élèves eux-mêmes, comptait énormément dans le processus d’apprentissage. Leurs travaux ont été publiés dans une revue américaine de référence, The Journal of Experimental Psychology. Frédérique Autin et Jean- Claude Croizet ont soumis leur hypothèse à l’expérimentation. Ils ont demandé à 310 élèves, scolarisés en 6e à Poitiers, de réaliser un exercice beaucoup trop difficile pour eux. A certains, les scientifiques ont expliqué que leurs difficultés puisqu’ils n’avaient pas encore appris cette leçon. Les autres sont restés seuls avec leur sentiment de déception. Résultat, ces derniers se sont ensuite montrés moins performants lors d’un second test, quel que soit leur niveau scolaire.

L’apprentissage requiert du temps

« Ils se sont mis à douter de leurs compétences, assure Frédérique Autin. Dans leur esprit, des questions liées à l’estime de soi sont venues perturber leur concentration. »
La psychologue va plus loin : « Sur le long terme, les enfants élaborent des mécanismes d’auto-handicap pour se pré-
server de ce sentiment d’infériorité. Ils ne révisent pas ou s’y mettent trop tard.
» Une façon de se trouver des excuses.
tissage requiert du temps et commence toujours par des échecs. Il ne faut pas le reprocher aux élèves », précise Jean-
Claude Croizet. Oubliez l’idée qu’une intelligence innée serait la seule explication à la réussite !
« Les travaux sur les champions d’échec démontrent que l’expertise résulte de milliers d’heures de pratique. Ce n’est pas un don, poursuit le chercheur. De la même façon, tout le monde finit par savoir faire du vélo. Mais contrairement à ce qui se passe à l’école, le temps de l’échec n’inquiète pas les parents. »
De là à dire que les programmes scolaires pourraient être inappropriés, parce qu’ils définissent des compétences à maîtriser en moins d’un an, il n’y a qu’un pas.

 

Comparer les élèves ? Surtout pas !

La valorisation de la réussite amène à comparer les personnes, et les élèves en particulier. Même de manière inconsciente. Ces derniers ont l’impression d’être moins bons et apprennent, du coup, moins bien. Les deux psychologues considèrent qu’il faut
éviter les catalogages, comme rendre les copies à voix haute ou constituer des groupes de soutien, qui peuvent être « stigmatisants ». Même les notes entretiennent les comparaisons. Quant aux bulletins scolaires, qui sanctionnent par des commentaires, ils sont contre-productifs. « En pointant les difficultés scolaires, ils dévalorisent ces erreurs indispensables à tout apprentissage et, au ?nal, à la réussite ».

 

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