Désintoxication, le long chemin

A l’heure où la création de « salles de shoot » devient un débat de société, le « 7 » a voulu comprendre quels moyens étaient mis à la disposition d’un public particulier : les toxicomanes détenus ou condamnés à se soigner.

Romain Mudrak

Le7.info

Chambre d’instruction de Poitiers, mardi 9 octobre. En détention provisoire à Niort, Victor(*) demande sa remise en liberté en attendant son jugement. Il plaide pour un placement sous contrôle judiciaire, afin de pouvoir traiter sa dépendance à l’héroïne dans une clinique fermée, à Tours ou Bordeaux. « Dans ce genre de structure, la sélection est drastique et les ouvertures sont rares. Mon client doit sortir pour être en mesure de postuler, dès qu’une place se libère », souligne son avocate, Me Sylvie Martin. Le président de la chambre reste intransigeant. Le prévenu n’offre pas suffisamment de garanties pour voler de ses propres ailes. L’escorte doit le ramener en cellule. Fin de l’acte. A Poitiers, les centres fermés n’existent pas. Le principal interlocuteur des toxicomanes désireux de rompre tout contact avec la drogue se nomme « Le Tourniquet ».

Réinsertion sociale et professionnelle
Chaque année, près d’un millier d’individus se présentent à la porte de ce Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). La majorité s’inscrit dans une démarche volontaire. Mais environ 15% se déplacent sous la contrainte. Ils ont reçu une injonction de soins après avoir été interpellés par la police, en possession, par exemple, d’une boulette de cannabis. Ou, plus grave, certains ont été condamnés à un sursis et une « mise à l’épreuve » assortie, dans 75% des cas, d’une « obligation de soins ». Les premiers sont convoqués à trois reprises pour rencontrer un psychologue. L’objectif ? Qu’ils se rendent compte que leur comportement n’est pas conforme aux règles de vie en société. « Les plus jeunes consomment souvent pour s’intégrer ou par goût du risque, assure le Dr Philippe Richard, coordinateur du Tourniquet. Si aucune souffrance grave n’est détectée lors de ces entretiens, la procédure s’arrête là. »
Dans le cadre d’une condamnation pénale, la justice ne précise pas les modalités de soins. C’est aux médecins du Tourniquet d’évaluer les besoins de leurs patients. La responsabilité est lourde. « Nous établissons des certificats de suivi pour le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip), mais sans les détails qui relèvent du secret médical », décrypte le Dr Richard. La reconstruction de la personne dépendante passe non seulement par un arrêt de la drogue, mais aussi par une réinsertion sociale et professionnelle. « La prise en charge doit être globale, confirme, de son côté, Christian Gaumont, délégué CGT du Spip. Nous collaborons notamment avec des assistantes sociales et Pôle Emploi. Mais encore faut-il en avoir les moyens. » Des moyens immédiats pour lutter, à long terme, contre la récidive.

(*)Le prénom a été changé par souci d’anonymat.
 

Être toxicomane derrière les barreaux
En prison, les toxicomanes sont suivis par le Service médical de prévention des risques (SMPR), composante décentralisée de l’hôpital Henri-Laborit. Quatre médecins psychiatres, quatre psychologues et dix infirmiers se relaient pour accompagner les « patients » dans leur parcours. Et ce n’est pas de trop, car on estime que les trois quarts des six cents détenus de Vivonne ont des problèmes d’addictologie à la drogue ou à l’alcool. Si l’examen somatique est obligatoire dans les quarante-huit heures suivant l’incarcération, la désintoxication relève de la «démarche volontaire». Toutefois, en général, la prise en charge ne tarde pas. Par peur de succomber à un état de manque, les accros à la drogue viennent rapidement chercher un traitement de substitution de type Subutex ou Méthadone. Le médecin du SMPR contacte alors le prescripteur quand il existe. Il revoit ensuite son patient environ deux fois par mois.

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