La truffe aux abonnés absents

Les trufficulteurs ne garderont pas un souvenir impérissable de l’année 2012. Dans la Vienne, la récolte s’avère jusque-là catastrophique. Conséquence immédiate, des prix multipliés par trois sur les marchés…

Arnault Varanne

Le7.info

Le diamant noir n’aura jamais aussi bien porté son nom. Pénurie oblige, le kilo de truffe se vend aujourd’hui autour de « 900 à 1 000€ ». « Un courtier de passage dans la région m’a dit qu’il négociait avec ses clients à 800€/ kg contre 350 en période normale », appuie Guy Pasquay, porte-parole des trufficulteurs de la Vienne. La situation n’est pas propre au département et s’explique en grande partie par des conditions météorologiques défavorables. « En mai et juin, la truffe naissante a besoin d’eau et de chaleur, indique Claude Bretaudeau, producteur à Pouillé. Hors, nous avons eu l’eau mais pas la chaleur. Idem en août, où la sécheresse prolongée a ralenti la croissance des truffes. »
Une menace à peine voilée plane sur les prochains marchés de Chauvigny, Loudun et Neuville. À Vivonne, l’un des premiers rassemblements de la saison a été purement et simplement annulé faute de « combattants ». Sauf à espérer que la météo soit favorable dans les semaines à venir, 2012 restera comme une année noire, sans mauvais jeu de mots. « Si le gel s’installe avec des températures très négatives (-8°C), ce sera la catastrophe », prophétise Guy Pasquay. En rythme de croisière, les quelque cent vingt trufficulteurs « viennois » produisent environ 150kg par an.

« Vous voyez le résultat… »

« A titre personnel, j’ai cavé (*) ce matin (Ndlr : mardi dernier) avec mon chien et j’ai réussi à extraire trois truffes, dont la plus grosse fait vingt grammes. Vous voyez le résultat… », se lamente Guy Pasquay. Son collègue de l’Est du département n’est pas mieux loti. Avec ses deux mille six cents chênes truffiers, répartis sur dix hectares, l’agriculteur « s’attendait à un tel résultat ».
« Disons que je ne suis pas surpris, compte tenu du printemps et de l’été que nous avons eus », souffle-t-il. A Marigny-Brizay, Yann de Kermadecc évoque une baisse de production de l’ordre de 90%. Fataliste, le trufficulteur ? Pas du tout ! Comme ses acolytes, il sait que son « art » nécessite une bonne dose d’humilité… et beaucoup de patience. Certains arbres ne donnent qu’au bout de cinq ou six ans, d’autres jamais. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les professionnels français se comptent sur les doigts de la main. Le diamant noir a ses raisons que la raison ignore…

(*) Opération consistant à déterrer les truffes.

Didier Ragot : « Je reste optimiste »

Restaurateur à Sauzé-Vaussais (Deux-Sèvres), Didier Ragot organise des repas « 100% » truffes, de l’entrée au dessert (60€). Un concept unique en région. « Nous avons inauguré la formule il y a quatorze ans », glisse le chef de la Ferme auberge du Puy d’Anché. Ces menus éphémères -du 10 janvier au 17 février- verront-ils le jour en cas de pénurie ? « Personne ne sait encore comment la situation va évoluer, tempère Didier Ragot. L’expérience m’a montré qu’il fallait rester prudent, mais aussi optimiste. Je le serai un peu moins autour du 5 janvier, si la pénurie se confi rme… »

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