Pères divorcés : une justice à deux vitesses ?

L’image de ce père en détresse, perché sur une grue à Nantes, a ému l’opinion. Depuis, les actions de papas en colère se multiplient dans l’Hexagone.D’où cette question lancinante : sont-ils les grands perdants des procédures de séparation ? Les chiffres prouvent le contraire.

Arnault Varanne

Le7.info

Pendant quatre jours, Serge Charnay a tenu la France en haleine, retranché au sommet d’une grue des chantiers navals de Nantes. Quatre jours de combat médiatisé, d’un père (très) en colère contre le système judiciaire. Quatre jours « complètement inutiles » selon Dominique Weicheldinger.

Le représentant régional de l’association SOS Papa a lui-même « remué ciel et terre pour, au moins, obtenir la garde alternée » de son fils de 12 ans. Sans effet. « La vérité, c’est qu’on ne nous prend pas au sérieux, nous les pères. » Souffrance, otage, pension alimentaire… Dans sa bouche, ces mots sonnent comme autant d’obus sur le terrain du conflit familial. Il pointe aussi la « place écrasante » des femmes dans l’institution judiciaire, synonyme, selon lui, de jugements viciés. Juge aux affaires familiales à Poitiers, Hélène Cadiet réfute l’argument. Elle se positionne comme « un magistrat asexué », dont la seule mission consiste à « servir l’intérêt de l’enfant »
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Les statistiques sont pourtant têtues. À l’intérieur de la seule juridiction de Poitiers –plus de 3000 dossiers par an-, la résidence des enfants est fixée chez la mère dans « 70 à 80% des cas » de divorce ou séparation. « Mais dans 60% des situations, le jugement résulte d’un accord des deux parents », précise Madame le Juge. Lorsqu’il y a conflit, une enquête sociale et une expertise psychologique se chargent d’apporter des éléments tangibles aux Jaf (3,5 postes à Poitiers).

La garde alternée plébiscitée

Ainsi donc, l’idée selon laquelle la mère serait avantagée au détriment du père tombe d’elle-même. D’autant que la garde alternée, instaurée à partir de 2002, concerne désormais 20% des situations. Un signe de progrès manifeste ? « Pas nécessairement », estime Simone Brunet. Chez nos confrères de France 3 Poitou-Charentes, l’avocate au barreau de Poitiers et spécialiste du droit de la famille a indiqué récemment qu’il ne « fallait pas que la garde alternée devienne une difficulté supplémentaire pour l’enfant ».

De son côté, Nadine Delcoustal appelle les parents à « sortir de la relation gagnant-perdant ». Même si elle reconnaît que « la garde d’enfant est un sujet douloureux et donc une source de conflits », la directrice de l’association Prism- ADSEA(*) milite en faveur de l’apaisement. « Nous devons renforcer la culture de la médiation », estime Hélène Cadiet. Histoire de joindre le geste à la parole, la Justice, l’Ordre des avocats et les associations de médiation familiale s’apprêtent à entériner une convention tripartite. À l’avenir, avant chaque rendez-vous chez le Jaf, les parents seront invités à une réunion sur le thème de la médiation. Charge à eux d’accepter des séances dans la foulée. Dans l’intérêt de leur(s) enfant(s). Plus qu’une option, une nécessité.

(*) Prism-ADSEA est l’une des quatre associations de médiation familiale agréées dans la Vienne.
 

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