Les intermittents du spectacle sur leurs gardes

Le 6 mai dernier, le Président de la République a annoncé la prolongation des droits des intermittents du spectacle jusqu'au mois d'août 2021. Dans la Vienne, cette annonce d'une « année blanche » a rassuré. Mais elle pose aussi beaucoup de questions.

Steve Henot

Le7.info

La Vienne s'apprête à vivre un été -voire plus- sans manifestation culturelle. Arts de rue, musique, théâtre... La crise sanitaire a entraîné des annulations en pagaille, qui ont mis subitement à l'arrêt près de 1 200 intermittents du spectacle dans le département. Pour la compagnie de théâtre Mash Up production, ce sont deux représentations de Zaï Zaï Zaï Zaï qui n 'auront pas lieu. « C'est un manque de visibilité pour nous, déplore Angélique Orvain, la metteuse en scène. Et des salles qui devaient nous prendre nos deux spectacles n'en prendront finalement qu'un seul. »

Jean-Olivier Mercier s'apprêtait, lui, à partir pour une tournée de seize dates en Italie. « C'est assez lourd en pertes, plus de 120 heures d'intermittence qui sautent », regrette le directeur artistique de la compagnie Plein Vent. Difficile dans ces conditions d'effectuer les 507 heures annuelles ouvrant droit au chômage. Certaines structures ont proposé au public de ne pas se faire rembourser ses places, afin de pouvoir rémunérer les artistes. Parfois, elles ont honoré le versement des cachets sur leurs fonds propres, comme Ars Nova, qui recourt à plus de 25 intermittents. « Toutes n'ont pas aussi bien joué le jeu », fait remarquer Eric Lamberger, clarinettiste et délégué des musiciens de l'ensemble.

La crainte d'un « effet d'annonce »

Devant l'inquiétude grandissante d'artistes, d'associations et de représentants syndicaux dans toute la France, Emmanuel Macron s'est engagé le 6 mai à ce que les droits des intermittents « soient prolongés d’une année » au-delà des six mois où leur activité aura été « impossible ou très dégradée », c'est-à-dire « jusqu’à fin août 2021 ». Dans la Vienne, cette mesure a été accueillie avec soulagement. « Nous maintenir au chômage, c'est un moindre mal », convient Richard Puaud, le bassiste du Celtic Social Club. « En soi, ça répond à une attente très forte du secteur, c'est une annonce positive », ajoute Benoît Sitzia, le directeur adjoint de l'ensemble Ars Nova.

Mais la prudence reste toutefois de mise. « J'ai la crainte d'un effet d'annonce, nuance Jean-Olivier Mercier. Une dizaine de jours sont passés et on n'en sait pas plus sur les modalités. » D'un métier à l'autre, d'un secteur à l'autre, les réalités restent diverses. Pour certains (ingénieurs son, tourneurs, etc.), l'essentiel de l'activité se fait entre le printemps et le début de l'automne. Et selon les situations, beaucoup aimeraient voir leurs droits aux chômage reconduits jusqu'à un an après la reprise d'une activité normale. Or sur ce point, aucune garantie n'a été donnée, alors même que certaines salles de spectacle craignent, elles, de ne pouvoir rouvrir avant... janvier 2021.

Enfin, l'appel du Président de la République à réinventer la culture n'a, lui, pas forcément été vu d'un bon œil. « C'est le propre de l'art, on se réinvente tout le temps. On n'a pas attendu de se l'entendre dire pour le faire », rétorque Angélique Orvaint. « Oui, mais dans quelles conditions ? », interroge Jean-Olivier Mercier, rappelant les nouvelles normes sanitaires qui s'imposent à tous. A l'épreuve du confinement, l'art s'est donc développé à la maison, en studio ou en ligne, sur les réseaux sociaux. Concerts, lectures en live... Mais ce support a toutefois montré ses limites, pour les artistes. « On reste du spectacle vivant, ce qui nous différencie de la télévision. Ce n'est pas le même rapport au public. »

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