Benoît Weeger, il joue comme il respire

Benoît Weeger. 59 ans. Professeur d’orchestre au Conservatoire de musique de Poitiers. Musicien professionnel. Père de quatre enfants, tous atteints du même « virus ». Membre actif du groupe Welcome Poitiers. Signe particulier : attentif aux autres.

Arnault Varanne

Le7.info

Il considère la vie comme « un grand livre dont on tourne les pages ». « Pas fâché avec son âge », Benoît Weeger regarde dans le rétro avec une forme d’accomplissement apaisé. Au chômage technique depuis plusieurs mois, en raison de l’épidémie de Covid-19, le professeur d’orchestre fait contre mauvaise fortune bon cœur. Alto et accordéon sous le bras, il a joué dans plusieurs Ehpad de Poitiers depuis le début du confinement. « A chaque fois, j’ai l’impression d’aller voir ma grand-mère, sourit-il. Je vis ces instants comme des moments de partage et de convivialité. » Un peu comédien sur les bords, le musicien n’hésite jamais à ajouter un bon mot à ses concerts improvisés. 

« Nous étions six, mais en vérité nous étions sept »

Le plaisir plutôt que la performance. Voilà ce qui guide l’ancien gamin de Melun qui, au fond, ne s’est « jamais posé la question de son métier ». Comme une évidence. Dans la maison familiale, le piano trônait au milieu de la pièce. Son père mélomane et ses trois sœurs n’hésitaient jamais à s’y coller. « Nous étions six, mais en vérité nous étions sept », se souvient-il. Le souvenir de ces jours heureux l’emplit de joie. Tout comme cette découverte providentielle d’un violon alto dans le grenier de sa grand-mère. « Mes parents l’ont fait rénover et j’ai démarré avec cet instrument. » Près d’un demi-siècle plus tard, l’alto l’a transporté sur les plus grandes scènes de France, même s’il ne refuse jamais se frotter aux vicissitudes de l’accordéon, de la guitare ou du piano. Un vrai homme-orchestre ! 

« Dans la « jungle » de Calais, j’ai fait de très belles rencontres »

Aussi passionné soit-il, le premier prix du Conservatoire national supérieur de musique de Lyon n’a donc « jamais été dans la performance ». Ce qui ne signifie pas qu’il ne cherche pas l’excellence. De fait, au fil de ses rencontres, avec son premier professeur d’alto Jean-Philippe Vasseur ou le chef d’orchestre Philippe Herreweghe -« un défricheur de partitions, je suis en adéquation totale avec lui »-, l’altiste a eu l’occasion de se frotter à ce qui se fait de mieux dans son domaine. « Je n’oublie pas Eric Sprogis, qui a été à l’origine de ma venue à Poitiers... » Après dix ans aux côtés de l’ensemble baroque des Arts florissants, Benoît Weeger a bénéficié d’une certaine manière de l’implantation de l’Orchestre des Champs-Elysées dans l’ex-capitale régionale. Depuis, il alterne entre cours au Conservatoire et prestations. 

« Curieux de tout », le Poitevin fait de la médiation auprès de tous les publics (scolaires, personnes âgées...) un incontournable de sa pratique. A commencer par ses enfants, immergés depuis tout petits dans un bain médical et aujourd’hui tous musiciens professionnels. « Mais aucun ne joue d’un instrument à cordes ! », plaisante leur père. Si « 99% de (s)a vie » tourne autour de la musique, Benoît Weeger consacre le reste au sport (marche, vélo, course à pied, équitation) et à des actions solidaires. En 2016, il a passé quatre semaines dans la « jungle » de Calais comme bénévole pour Médecins du monde. « Comme tout le monde, j’ai été saisi par les articles de presse sur la situation des migrants. Là-bas, j’ai fait de très belles rencontres. »

Avec son épouse Marie-Odile, professeur de... musique, Benoît est l’un des membres très actifs de Welcome Poitiers. Pendant deux ans, ils ont accueilli chez eux une jeune Albanaise « aujourd’hui étudiante à Niort et qui vole de ses propres ailes ». Les Weeger font de la « qualité des rapports humains » et de « l’attention aux autres » le fil rouge de leur vie. Encore une histoire de transmission familiale. « Nous avons beaucoup d’amis dans le domaine social... » Du reste, la frontière entre vies professionnelle et personnelle est ténue. « Je me souviens d’une copine de ma fille qui était repartie en disant : « C’est sympa chez les Weeger, mais qu’est-ce que c’est bruyant ! » On joue ici comme on respire, y compris au profit de (bonnes) causes. Place au chapitre suivant. 

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