Le coach de la « Zup »

Claude Brunet, 76 ans. Président fondateur de l’Association sportive et amicale des Couronneries (Asac), qui s’apprête à fêter un demi-siècle d’existence à Poitiers. Eternel bénévole. Apôtre de la mixité sociale et culturelle. Transmet des messages positifs aux jeunes du quartier à travers le sport. Signe particulier : passe encore tous ses week-ends au bord des terrains.

Romain Mudrak

Le7.info

Il l’avoue à demi-mots. Le confinement a été pour lui une sorte de soulagement. Plus besoin d’organiser les déplacements des jeunes, le week-end, sur tous les terrains de foot de la Vienne, ni de trouver des volontaires pour conduire les minibus. Car à l’Asac des Couronneries, comme ailleurs, les bénévoles sont une denrée rare. Son fondateur Claude Brunet se souvient du temps où les parents étaient aussi nombreux que les joueurs pour filer un coup de main. En cinquante ans, la société a changé et la «Zup» aussi. Au cours de ce printemps si particulier, le chef est tout de même resté en contact avec ses troupes. Une façon de leur dire que nous allions « gagner le match contre le Covid-19 ». « J’ai aussi pensé à nos familles nombreuses qui vivent dans un trois-pièces. Pour elles, le moment a dû être infernal. » Aujourd’hui, l’heure de la reprise a sonné. Et c’est avec un réel plaisir que le président fondateur de l’Asac multisports a retrouvé son équipe hébergée temporairement au premier étage de la Pépinière, en attendant la fin des travaux du « QG » de Québec. Les chevilles ouvrières préparent des « vacances apprenantes ». Les jeunes ont besoin de prendre l’air et de se défouler. Avec Quartier d’été, ils vont pouvoir s’initier à de nouveaux sports, tout en bénéficiant d’un soutien scolaire bienvenu. Rien de plus naturel pour le club qui, sous l’impulsion de Claude Brunet, conserve un rôle à part aux Couronneries.

L’intégration par le sport

« En 1971, j’habitais la résidence Mozart et il était interdit de jouer sur les pelouses, raconte le patriarche. Le gardien prenait souvent le ballon de mon fils, alors je me suis dit qu’il était temps de créer un club de foot. » En outre, l’ancien postier parcourait tous les week-ends plus de 160km aller-retour pour retrouver ses coéquipiers dans son fief de Bellac, en Haute-Vienne. Impossible de continuer ainsi à la naissance de sa fille. Claude Brunet a donc mis une annonce dans le journal. « Les gens sont venus toquer à ma porte ! », se souvient l’intéressé. Asac signifie association sportive et amicale des Couronneries. Tout est dit sur l’atmosphère des lieux. Depuis, l’histoire continue et les coupes s’entassent. Lui-même a joué jusqu’à ses 42 ans. Désormais, le septuagénaire préfère le foot… en marchant, autre activité créée récemment en plus du cécifoot pour les malvoyants ou encore du tennis, en partenariat avec l’association Fête le mur de Yannick Noah. Le point commun entre toutes ces activités ? L’intégration ! « Au début, l’idée du club était simplement de jouer au foot. Maintenant, on se sert du sport pour faire du social », souligne le président.

« L’évolution a été progressive, poursuit le coach. Je trouve cette mixité intéressante. Il n’y a pas de communauté dominante. Les jeunes arrivent avec leurs rêves. C’était Pelé, puis Zidane, maintenant Mbappé. Ils savent aussi que Nicolas Tié, le gardien de Chelsea, est passé par ici. Pourquoi pas eux ? » Faire connaissance au club évite de se taper dessus à l’extérieur. Les anciens sont devenus des grands frères. Et puis, il y a le programme éducatif de la Fédération française de football. Sous l’impulsion de Claude Brunet, l’Asac figure parmi les clubs pilotes de cette démarche en France. « L’idée est de parler de sujets importants comme l’engagement citoyen, l’environnement, le fair-play. On évoque aussi l’alimentation, le sommeil... Ça se passe surtout dans les vestiaires. »

Une autre richesse

Les destins de Claude Brunet et de l’Asac sont liés. Il est fier d’avoir pu recruter Arnaud Augereau au poste de directeur grâce, au départ, à des fonds mis à disposition par l’Etat après les émeutes urbaines de 2005. En interne, des dizaines d’éducateurs sportifs bénévoles ont obtenu le certificat fédéral de football. De quoi leur ouvrir des portes vers le brevet de moniteur ou d’entraîneur. Vice-président du Comité départemental olympique et sportif, élu au District de foot, Claude Brunet n’a pourtant pas toujours été président des « Orange et noir ». De 1995 à 2001, il a pris du recul pour intégrer une autre équipe, celle du « grand Jacques » (Santrot) à la mairie de Poitiers, dont il admire « le franc-parler ». Il est propulsé adjoint aux Sports, évidemment ! « Nous étions sept élus à venir de la société civile, comme on dit maintenant. Je suis resté fidèle à mes valeurs de gauche, aujourd’hui encore. »

Infatigable, Claude Brunet accompagne toujours les équipes les samedi et dimanche sur les terrains de la Vienne. Il attend avec impatience la reprise des championnats en septembre. Et comme d’habitude, c’est lui qui lavera les cent cinquante maillots dans la laverie du club. Le bénévolat n’a pas de limite. En mars 2019, il s’est fendu d’un coup de gueule à l’endroit des cambrioleurs qui avaient osé s’attaquer au siège de l’Asac à Québec : « Sans doute ont-ils imaginé que dans ces locaux circulaient des sommes d’argent considérables. Ces princes de la cambriole ignorent qu’il existe une autre richesse qui s’appelle l’engagement bénévole mais qui réclame un peu plus d’efforts pour l’appréhender. » Claude Brunet concluait ainsi : « S’il leur venait l’idée de revenir, je me propose de leur ouvrir les portes. Ils n’auront pas besoin de les fracturer pour rien. »

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