Harcèlement scolaire : la spirale infernale

A 16 ans, Janelle tente de se reconstruire après avoir été victime de harcèlement scolaire dans un collège de la Vienne. Elle témoigne de ces actes pernicieux qui l’ont amenée à être hospitalisée en psychiatrie et à porter plainte.

Romain Mudrak

Le7.info

Elle est prête à parler. A tout déballer même. Janelle a été victime de harcèlement scolaire pendant près de deux ans, dans un collège de la Vienne. Inutile de citer l’établissement, cette histoire aurait pu se dérouler n’importe où. Aujourd’hui âgée de 16 ans, elle avait besoin d’accepter et de prendre du recul sur les événements avant de témoigner. Désormais, l’adolescente se sent forte pour dénoncer ces actes sournois aux conséquences bien réelles. « Moi j’ai fait un gros bout de chemin dans mon histoire. Je veux avancer et montrer à d’autres qu’il est possible de s’en sortir. »

Un mal pernicieux

Son sourire tente de dissimuler des yeux emplis de mélancolie. Janelle n’a rien oublié. Dès la 6e, un garçon l’embête régulièrement dans le bus qui l’emmène vers le collège. Heureusement en décembre, il finit par se lasser. L’année suivante se passe sans encombre, mais en 4e ses copines d’un jour deviennent ses pires ennemies. Sans raison apparente. C’est un groupe de cinq filles, bien nées, avec lesquelles il était cool d’être vue. Des filles toxiques qui en contaminent d’autres. « J’ai commencé par recevoir des messages du genre « T’as pas de vie, t’es un fantôme », « Tu ne sers à rien ». Moi j’étais juste timide », se souvient-elle. Ces paroles se répètent au collège. Les agresseuses commentent ses gestes, sa façon de s’habiller… Quand un enseignant demande à l’une d’entre elles de distribuer des copies, Janelle est contournée. Elle est mise à l’écart. Puis le harcèlement devient physique : bousculade, croche-pied…

« Je leur ai demandé pourquoi. J’étais prête à changer pour elles. » Comme si le problème venait de son propre comportement. « En y réfléchissant, je me suis dit plus tard que ce devait être de la jalousie parce que j’étais plutôt appréciée de tout le monde dans le collège et que j’étais bonne élève. » Janelle en parle assez vite à ses parents. Ces derniers alertent l’établissement. Un surveillant dépourvu de finesse convoque les ados incriminées. Dès le lendemain débutent les représailles. « Le collège n’a rien fait pour nous aider. On nous a dit que c’était normal à cet âge-là », poursuit sa mère Gwen, impuissante.

Trois mois en psy

La petite famille a l’opportunité de repartir dans sa Normandie natale. Janelle accepte mais exige d’aller au bout de son année scolaire. « Partir, c’était leur donner raison. J’avais besoin de leur montrer que je ne fuyais pas. Je n’avais rien fait de mal. » L’ado fait preuve à la fois de maturité dans son raisonnement et d’une grande fragilité émotionnelle. Au Havre, en 3e, d’autres filles la harcèlent. « Comme si Janelle avait un profil de victime », déplore sa mère. En vérité, la dépression la guette, ce qui la rend vulnérable. Le confinement lui retire tous ses petits plaisirs. A commencer par le sport, qu’elle pratique dix heures par semaine « pour compenser ». Elle ne mange plus, ne sort plus. Cette spirale infernale la précipite vers un hôpital psychiatrique parisien. Elle y reste du 28 avril au 4 juillet 2020. « Je me suis retrouvée seule face à moi-même et je commençais à me faire du mal. J’ai demandé à être hospitalisée. » En sortant, la décision est prise : Janelle porte plainte. « Je ne veux pas me venger, juste que ces gens prennent conscience qu’elles m’ont détruite. » Une association d’aide aux victimes la soutient. Elle n’est plus seule. Reste à savoir si le parquet de Poitiers se saisira du sujet. « Dans tous les cas, je suis fière de moi », conclut Janelle, à la veille de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire prévue jeudi.

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