Brexit/Erasmus : les portes se ferment vers le Royaume-Uni

Depuis le 1er janvier, le Royaume-Uni a quitté l'Union européenne. Environ 150 étudiants poitevins ne peuvent donc plus bénéficier des aides du programme Erasmus pour y séjourner. L'université cherche des solutions pour limiter les dégâts. Les conséquences se font sentir également dans les écoles, collèges et lycées de l'académie.

Romain Mudrak

Le7.info

« Une étudiante qui était repartie chez elle au Royaume-Uni pour les fêtes a dû se munir d’un visa pour revenir en janvier. » Ce témoignage entendu à la faculté de lettres et langues de Poitiers tient du symbole… En sortant de l’Union européenne le 1er janvier dernier, les Britanniques ont également quitté le programme Erasmus. Exit les aides financières et tous les dispositifs qui facilitaient les échanges d’étudiants et d’enseignants, dans les deux sens.

Chaque année, l’université de Poitiers envoyait environ 150 étudiants vers une dizaine d’établissements supérieurs d’Outre-Manche, à Cambridge, Bristol, Glasgow, Birmingham... Les deux tiers pour des stages en entreprise ou en laboratoire. Ils sont une vingtaine à faire le chemin inverse. Une chose est sûre, l’Irlande voisine ne pourra pas absorber ce surplus de candidats. Et beaucoup d’étudiants poitevins n’auront pas les moyens de se reporter sur le Canada ou les Etats-Unis. « C’est un vrai coup dur pour nous, comme pour nos collègues là-bas, précise la vice-présidente aux relations internationales, Christine Fernandez-Maloigne. Face à cela, depuis un an, nous signons des conventions avec nos partenaires historiques pour qu’au moins nos étudiants respectifs n’aient pas à payer des droits d’inscription différenciés réservés aux pays extracommunautaires. » Ces frais peuvent s’élever à 9 000€ pour une université britannique et autour de 4 000€ en France. C’est toujours cela d’économisé. Reste le visa long séjour(*), le passeport et l’affiliation à la sécurité sociale britannique. Soit près de 1 000€. Sans compter que les Britanniques comme les Français doivent désormais justifier de garanties financières leur permettant de vivre sur place sans bourse. Tout le monde ne pourra pas partir. De quoi susciter de nouvelles inégalités.

« Les étudiants reviennent transformés »

Le gouvernement de Boris Johnson a volontairement écarté le programme Erasmus de l’accord signé avec l’Union européenne. A la place, le Royaume-Uni envisage de créer le programme Turing qui sera doté de 100 millions de livres sterling (110M€) et devrait bénéficier à 35 000 étudiants par an à partir de septembre 2021. Pour le moment, ce projet reste flou, même au sein des universités anglaises.

Ce retrait est d’autant plus regrettable que la plupart des étudiants partis en séjour Erasmus en vantent les mérites, que ce soit au Royaume-Uni ou ailleurs. « Ils partent adolescents et reviennent transformés en jeunes hommes et jeunes femmes, témoigne  Isabelle Millon Zumstein, en charge des relations internationales au sein de la faculté de lettres et langues. Loin des parents, ils vivent souvent en colocation avec des camarades d’autres nationalités. Cette expérience universitaire est dépaysante. » Certains trouvent l’amour de leur vie. Très souvent, ils n’attendent qu’une chose : repartir, pendant leur master par exemple. D’autres s’impliquent à Poitiers dans l’accueil des étudiants étrangers. Toutes ces relations humaines permettent de mieux se connaître entre voisins. Avec la Grande-Bretagne, ce sera maintenant plus compliqué.

(*) Il est désormais obligatoire pour les étudiants britanniques séjournant plus de trois mois au sein de l’Union européenne. Pour les étudiants européens, il est indispensable pour tous séjours supérieurs à six mois.

Les écoliers privés de séjour linguistique
A priori, le Brexit ne devrait pas avoir d’impact majeur sur les collaborations de recherche. Le Royaume-Uni est resté partenaire et financeur du programme Horizon 2020 (79Md€ pour la période 2014-2020). En revanche, les traditionnels échanges scolaires sont sérieusement remis en cause. Pour les écoliers, les collégiens, les lycéens, impossible désormais d’aller sur place en bénéficiant d’aides européennes. Exemple : dans le département, l’école du Lac, à Saint-Cyr, collabore avec l’école de Wanborough, au Sud-Ouest de Londres, depuis plusieurs années sur des thématiques communes. Les élèves se rencontrent même deux fois par an. Selon toutes vraisemblances, les projets en cours de validité devraient être pérennisés jusqu’en 2022. Mais ensuite… Même chose du côté des enseignants qui partent pour renforcer leurs compétences linguistiques. L'Irlande et Malte restent des alternatives. Mais il n'y aura pas de place pour tout le monde.

À lire aussi ...