Elan de solidarité autour d’Ousmane

A 21 ans, Ousmane est menacé d’expulsion, six ans après son arrivée dans la Vienne où on lui a fait miroiter une carrière de footballeur. « Ecœurés » par la situation, ses collègues d’une entreprise industrielle poitevine lancent un « appel citoyen » pour le soutenir.

Romain Mudrak

Le7.info

Rendez-vous est donné devant la porte d’une grande enseigne industrielle (60 salariés) située à l’est de Poitiers. Son nom est très connu mais il est impossible de la citer car la communication se joue ailleurs, plus haut, et la mobilisation solidaire qui se manifeste ici est spontanée. Salariés et direction du site ont décidé de soutenir l’un des leurs, menacé d’expulsion.

Ousmane est arrivé de Guinée à l’âge de 15 ans, avec un visa « pour intégrer le centre de formation d’un club de football ». Mais son passeur l’a abandonné en gare de Poitiers après avoir empoché une forte somme d’argent. Orphelin, il n’a pas un sou et personne ne l’attend au pays. « Je me suis fait arnaquer », clame-t-il. Ousmane passe trois mois à la rue et sa minorité est contestée par les autorités avant d’être finalement reconnue. Mais c’est déjà de l’histoire ancienne... En six ans, il parvient à apprendre le français et un métier. Deux même ! Ousmane décroche un CAP spécialité béton armé. Sa voie est tracée. Après trois années d’apprentissage, il doit intégrer l’entreprise qui l’a formé. Mais une fois majeur, ses papiers et ses motivations sont contestés. De récépissé en autorisation provisoire, il doit finalement attendre la décision du tribunal administratif de Poitiers pour obtenir un titre de séjour. Trop tard, l’emploi lui passe sous le nez. « Tous mes camarades du CFA ont été recrutés », se désole-t-il. Ousmane doit repartir de zéro.

Cagnotte et marche silencieuse

En 2019, le jeune homme rebondit et décroche un CDD d’insertion de deux ans, au sein de l’enseigne qui se mobilise aujourd’hui. « Il a vite progressé, on lui a donné un poste à responsabilités », indique Aurélien, le directeur du site. Mais à la surprise générale, en septembre dernier, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé son premier titre de séjour et lui a délivré une obligation de quitter le territoire. « Je ne comprends pas, j’étais en train de rembourser mes dettes et de construire enfin ma vie », soupire Ousmane. Le contrat s’arrête net. Ses droits au chômage et aux APL sont supprimés. « Ça nous a tous affectés, reprend l’employeur. C’était un bon élément. Je lui ai d’ailleurs fait une promesse d’embauche que son précédent avocat n’a pas ajoutée au dossier. »

Spontanément, la plupart de ses collègues contribuent à une cagnotte (800€ en deux mois) et lui offrent des sacs entiers de nourriture. L’un d’entre eux propose même de l’héberger. « On trouve cela écœurant dans la patrie des Droits de l’Homme, regrette Mireille. Son comportement a toujours été exemplaire. » Dans la Vienne, une vingtaine de jeunes seraient actuellement dans la même situation qu’Ousmane, selon l’association Min’de Rien, qui publie certains témoignages sur sa page Facebook. « Après tous les efforts qu’ils ont fournis, c’est très destructeur pour eux », insiste sa présidente, Chantal Bernard. Une page « Mobilisation pour Ousmane » vient de voir le jour sur Facebook et une marche silencieuse est programmée le samedi 3 avril, à 9h, entre la Porte de Paris et la préfecture de Poitiers. 

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