Face à l’assassin de sa fille

Le procès des attentats du 13 novembre 2015 démarre ce mercredi au palais de justice de Paris, pour huit mois. Elisabeth Boissinot, la mère de Chloé, assistera à une partie des audiences. « Salah Abdeslam, il va être condamné à perpétuité, comme moi, comme tous les parents qui ont perdu leur enfant. »

Arnault Varanne

Le7.info

1 800 parties civiles, 300 avocats, 20 personnes sur le banc des accusés, 9 mois d’audience... Le procès qui s’ouvre cette semaine au palais de justice de Paris est à la 
(dé)mesure des effroyables attentats perpétrés le 13 novembre 2015 devant le Stade de France, au Bataclan et aux terrasses des bars et restaurants des Xe et XIe arrondissements de Paris. Cette nuit d’horreur a fait 400 victimes et coûté la vie à 131 personnes. Dont Chloé Boissinot, 26 ans, originaire de Château-Larcher, tombée devant le Carillon. Ce procès pour l’histoire, sa mère Elisabeth n’en attend « pas grand-chose ». D’abord parce qu’elle a assisté à tous les rendez-vous judiciaires au cours de la longue procédure. « Je sais où ont été retrouvés les téléphones portables, l’argent... » Ensuite parce que « je sais aussi qu’il va être condamné à perpétuité, comme moi, comme tous les parents qui ont perdu leur enfant. Il a tué Chloé ». Il, c’est Salah Abdeslam, le seul rescapé des commandos terroristes. « J’ai demandé à parler pour me retrouver face à lui, le regarder. »

Elle s’efforce d’aller mieux

Ce mercredi, Elisabeth Boissinot ne sera pas dans l’immense salle d’audience (750m2, 550 places), mais fera une séance d’hypnose « pour essayer de trouver en [elle] la force d’affronter les huit prochains mois ». Après six ans d’un deuil mouvementé, la mère de famille (6 enfants) et grand-mère (5 petits-enfants) s’efforce d’aller mieux, mais le souvenir de Chloé la hante toujours. Et le précipice n’est jamais très loin. Elle a d’ailleurs préféré arrêter de correspondre avec une autre famille endeuillée par la mort de ses deux filles. « Je suis simplement en lien avec un monsieur, il était dans la même voiture qui nous emmenait à la morgue. » Si son tatouage « 20 11 89 - 13 11 2015 » est encrée (sic) dans sa chair, les photos de « l’absente » se font plus rares dans la maison familiale de Château-Larcher.

« Etre plus présente 
pour les vivants »

Malgré tous ses efforts, malgré un accompagnement psychiatrique régulier, la retraitée, séparée, reste à fleur de peau. « Si je ne pense pas à elle ou que je ne pleure pas, c’est comme si je l’oubliais. » Ses enfants veillent et elle s’est fait la promesse d’être « plus présente pour les vivants ». Car la vie continue et Julie, la jumelle de Chloé, va être maman en 2022. « C’est un très grand bonheur », sourit Elisabeth. Son visage s’éclaire enfin. Et puis au-delà du cercle familial, il y a ces marques d’affection. Des mots échangés avec les quidams, cette plaque commémorative au nom de sa fille au cimetière de la commune, la médaille que le ministère de la Justice lui remettra le 11 mars prochain, journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme...

Ce sera à quelques semaines du 25 mai 2022, jour du verdict du procès des auteurs des attentats. Une autre épreuve à surmonter. « Parfois, des gens me disent : T’as pas envie qu’on ne parle plus de tout ça ? Bah non, en fait, j’ai besoin de parler, de raconter. C’est plus fort que moi. Regardez le 11 septembre 2001. Je pense aux enfants qui ont dû grandir sans leurs parents. On ne peut pas oublier. »

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