Un projet là-bas à défaut d’un asile ici

La Technopole du Futuroscope abrite depuis septembre le seul Centre de préparation au retour de l’ex-Poitou-Charentes, à destination des demandeurs d’asile déboutés.

Claire Brugier

Le7.info

« J’en ai passé des aventures, mais je n’ai jamais été dans la misère comme récemment », confie Mohamed. En 2013, le Marocain était musicien dans des hôtels, à Agadir. Il rencontre une femme, se marie, finit par la rejoindre en France. Le couple s’installe dans le quartier de Châteauneuf, à Châtellerault, puis divorce quelques années plus tard. Aujourd’hui, à 64 ans, Mohamed a été débouté de sa dernière demande d’asile.  « Mais je ne suis pas un exilé, je ne suis pas malade non plus, je veux partir ! Stagner, vivre dans la monotonie, ce n’est pas mon genre. Je travaille depuis l’âge de 18 ans. Au Maroc, je serai retraité. » Arrivé le 20 décembre dans le Centre de préparation au retour (CPAR) installé dans les anciens locaux d’hébergement de l’Afpa, sur la Technopole du Futuroscope, Mohamed prépare donc son retour au pays.

Comme ses voisines de couloir, une maman et sa fille, il a accepté l’Aide volontaire au retour (AVR). Assignés à résidence bien que libres de leurs allers et venues, ils ont quarante-cinq jours, renouvelables une fois, pour élaborer un projet de réinsertion dans leurs pays d’origine, avec l’appui de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) et l’accompagnement d’Audacia. L’association poitevine a en charge la gestion du CPAR depuis son ouverture, en juin, d’abord au sein d’un Centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada), et depuis septembre sur la Technopole. Les personnes sont accueillies dans des chambres doubles équipées (kitchenette, vaisselle, linge de maison, produits d’hygiène…) et elles reçoivent des tickets services pour faire leurs courses en autonomie.

D’une capacité de cinquante places, le centre n’a accueilli que vingt-trois personnes, sur les cinquante-neuf à qui la proposition de l’AVR a été faite. Dix-sept demandeurs d’asile sont déjà repartis, leur projet en poche, complété par une aide de 650€/personne susceptible d’être majorée jusqu’à 1 200€. Reste que « les familles sont parfois frileuses, », souligne Gwenaëlle Geffroy, responsable du pôle migrant d’Audacia. Et certaines personnes ont une histoire de vie qui fait qu’elles n’envisagent pas de rentrer dans leur pays. Le défi de ce dispositif est vraiment de convaincre les gens. » Les demandeurs d’asile mais aussi certains travailleurs sociaux. 

Travailler les projets

Alternative aux centres de rétention, synonymes d’Obligation de quitter le territoire français (OQTF) avec vol sec, les CPAR sont mal, voire méconnus. Le premier a ouvert en 2015 en Moselle. L’accompagnement n’y est pas uniquement administratif, il est plus largement social. Outre l’aspect matériel, « nous venons en complément de ce que fait l’Ofii pour travailler le projet de façon pragmatique, ajoute la directrice du pôle migrant. C’est à valoriser car les personnes ne retournent pas chez elles juste avec un échec. » Pour cette mission, Audacia bénéficie d’une subvention de l’Etat de 25€/jour par personne, tout compris. Autant dire que les budgets sont serrés…

« L’objectif est de fluidifier le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile et de favoriser leur éloignement, précise la préfète Chantal Castelnot. En fonction du pays, le projet de retour peut être très large, de l’accompagnement à la scolarisation à la recherche d’un logement, la création d’une entreprise… Le plus difficile, avec certains pays, est l’obtention de papiers. » Le CPAR est ouvert jusqu’au 31 décembre 2022.

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