La FDJ Suez Futuroscope sur le Tour pour « briller »

​​​​​​​Demain s’élancera le premier Tour de France féminin de l’ère professionnelle, à Paris. Née et basée dans la Vienne, la FDJ Suez Futuroscope est l’une cinq équipes françaises engagées sur l'épreuve et l’une des formations les plus attendues. « On a envie de briller sur le Tour », reconnaît son manager général, Stephen Delcourt.

Steve Henot

Le7.info

Stephen, que ressentez-vous à la veille de ce premier Tour de France féminin de l’ère professionnelle ?
« Beaucoup d’excitation, évidemment. Du stress, aussi. On y bosse depuis novembre, mais on réalise qu’on ne maîtrise rien : on a reçu un véhicule et des pièces de vélo seulement ce (mercredi) matin… Et puis il y a un nombre de sollicitations médias que l’on n’est pas habitué à organiser, une cinquantaine rien que cette semaine ! Cecilie (Uttrup Ludwig) a tenu une conférence de presse ce matin devant quatorze journalistes danois… Clairement, on a pris une nouvelle dimension. Et en tant qu’équipe française, on en prendra une plus importante encore sur ce Tour. On a envie de briller, avec un scénario de course qui va ressembler à celui du Giro. L’objectif, c’est d’arriver dans les deux dernières étapes de montagne avec le moins de secondes de retard sur Annemiek van Vleuten et Demi Vollering, qui sont les deux grandes favorites. »

Comment s’est opérée votre sélection sur ce Tour ?
« On avait pris beaucoup d’avance en annonçant, dès le mois de décembre, une première sélection de quatre coureuses (Uttrup Ludiwg, Brown, Muzic, Cavalli), assurées d’être au départ si elles se montraient au niveau. On avait alors donné les règles du jeu au reste du groupe : notre objectif de classement général guidera notre choix. On a fait une présélection de quatre coureuses après les Ardennaises. Il nous fallait deux filles qui rentrent dans le moule, qui se sacrifient pour l’équipe. Et il y a aussi l’aspect hors vélo, la façon dont elles peuvent gérer le stress d’une grande compétition… Marie (Le Net) et Vittoria (Guazzini) se sont dégagées assez naturellement dans nos discussions avec le staff. C’est une décision prise à quatre, avec les deux directeurs sportifs (Nicolas Maire et Cédric Barré) et le directeur de la performance (Flavien Soenen). On a essayé d’être transparents et clairs. Mais on a un effectif tellement fort et homogène aujourd’hui… On a répété aux filles qu’elles étaient dans la pire équipe pour faire le Tour chaque année. »

Ce format de six coureuses engagées n’est-il pas trop restrictif ?
« Au-delà, l’organisateur serait obligé d’écarter les plus petites équipes. C’est un choix d’Amaury Sport Organisation (ASO). Mais si on veut être au plus haut niveau, il faut y aller à sept. J’ai peur que l’on assiste à deux courses, avec les professionnelles d’un côté et celles qui sont encore étudiantes ou qui travaillent en marge du sport, de l’autre. Je ne suis pas sûr que ça puisse offrir une bonne visibilité à tout le monde -alors que c’est l’argument-. Et en termes de vitesse, d’engagement, ce n’est pas le même sport. Toutes les coureuses n’ont pas l’habitude de frotter à plus de 45 km/h. Peut-être que ça va faire progresser les petites équipes, comme l’espère ASO... On verra. »

La résurgence du Covid et les fortes chaleurs ont agité le Tour de France masculin. Comment prévenir au mieux ces aléas ?
« On sort de dix jours entre 35 et 40°C sur le Giro. On connaît donc le protocole, nos consommations… Cette course a été la meilleure préparation pour nous. Et puis les filles ont l’habitude de rouler par de fortes températures. On va rentrer dans notre bulle, le Covid nous oblige à être très concentrés. On n’est pas à l’abri, certaines ont déjà été sur la touche cette saison, comme Marta (Cavalli) sur la Strade Bianche par exemple. Sur trente-cinq salariés, nous ne sommes que trois à ne pas l’avoir eu depuis le début de saison. »

Vous allez croiser des visages familiers, comme Charlotte Bravard et Coralie Demay qui évoluent aujourd’hui à Saint-Michel Auber 93…
« Elles méritent leur place sur ce Tour parce qu’elles travaillent bien. Elles sont dans une petite équipe, mais qui a été loin d’être ridicule lorsqu’elle a été invitée à la RideLondon Classique (un Top 10, ndlr). Ça fait toujours plaisir de les revoir. Même si elles ne sont plus avec nous, on est resté en bons termes. Elles ont l’expérience du haut niveau, ça peut leur permettre de faire progresser leur équipe. La reconversion de Charlotte (seule directrice sportive féminine en France, ndlr) ? Je ne m’y attendais pas. C’est un métier encore nouveau pour elle, elle se forme sur le terrain. Charlotte a pris la suite de l’ancien directeur sportif et elle a eu raison de saisir cette opportunité. Progressivement, on espère féminiser tous les métiers du vélo. Dans l’équipe, on est à 50-50 sur la partie médicale, c’est déjà mieux qu’il y a quelques années… »

Quel bilan dressez-vous à mi-saison pour la FDJ Suez Futuroscope ?
« C’est déjà la meilleure saison de notre histoire. Notre compteur est pour l’instant bloqué à dix victoires -on va le débloquer rapidement- et pas sur n’importe quelles courses : l’Amstel Gold Race, la Flèche Wallonne… On fait aussi 2e du Women’s Tour, 2e du Giro et on est quasi devenu la meilleure équipe grimpeuse du World Tour. On a des filles qui vivent très bien ensemble. Il y a aussi eu des déceptions, mais on ne peut pas tout réussir à 100% dans une saison. »

Vous venez d'annoncer plusieurs prolongations de contrat (Muzic, Uttrup Ludwig, Wiel, Le Net, Guilman, Guazzini). La stabilité de l’effectif est importante ?
« On a toujours été une équipe qui s’est formée sur des contrats longs, pour pouvoir écrire des histoires avec nos coureuses. Aujourd’hui, on est très attaqué sur le marché des transferts. La signature d’un sponsor comme Suez nous permet heureusement d’offrir des contrats plus importants à notre équipe, et de donner de la visibilité. »

Le soutien de Suez doit aussi vous permettre de poursuivre la structuration professionnelle. Quelles sont les prochaines étapes de développement ?
« Le but, c’est de continuer à suivre l’augmentation des budgets du WorldTour féminin, qui augmentent entre 20 à 30% chaque année. On arrive aussi à un moment où il faut repenser la formation. On n’a plus recruté de jeunes depuis Jade (Wiel) et Marie (Le Net), en 2019. On essaye pourtant, mais aujourd’hui on tombe sur des jeunes qui veulent partir à l’étranger ou débuter dans de plus petites équipes. On est la meilleure équipe française et ça peut faire peur à certaines. C’est pourquoi, à moyen terme, il faut qu’on soit capable d’investir dans un vrai centre de formation. On a aussi envie de se rapprocher des disciplines connexes que sont le cyclo-cross et le VTT. En permettant à nos coureuses de participer à ces épreuves comme on l’a fait avec Brodie (Chapman) ou en invitant d’autres sportives à nos stages, comme la triathlète Cassandre Beaugrand cet hiver. Pour cela, il va falloir grossir notre staff. L’idée, c’est d’innover, de donner plus d’épanouissement personnel à nos coureuses et de créer de nouveaux modèles. Pidcock, Van Aert, Van der Poel… On le voit chez les hommes, les meilleurs vététistes et du cyclo-cross gagnent aujourd’hui des étapes sur le Tour. Pourquoi ce ne pourrait pas être le cas chez les femmes ? »

DR - Thomas Maheux

À lire aussi ...