La mort 
est (toujours) dans le pré

Sept agriculteurs se sont donné la mort depuis le début de l’année dans la Vienne. Un comité de pilotage du mal-être agricole se réunit ce mercredi à la préfecture de la Vienne. La situation ne laisse pas d’inquiéter.

Le7.info

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Ils avaient entre 45 et 55 ans, étaient exploitants agricoles et ont rejoint la longue liste des martyrs de la campagne dans un silence assourdissant. De Sommières-du-Clain à Charroux, ils sont sept à s’être suicidés dans la Vienne depuis le 1er janvier 2022. « Enfin, ce sont ceux pour lesquels on a été alertés », 
souffle Sébastien Caillaud, le responsable-adjoint du service d’action sanitaire et sociale à la Mutualité sociale agricole (MSA). « J’en connais qui ont des idées noires, assure Henri Surreaux, président des Jeunes agriculteurs de la Vienne. Une ferme qui ne fonctionne pas bien, la pression des lobbies écologiques, des charges qui s’accumulent… Ça rejaillit vite sur le privé. Et c’est vrai que le sujet reste tabou. »

Karoll Petit parle, elle, d’une 
« hécatombe ». Cette photographe du Maine-et-Loire a consacré les derniers mois à raconter le « génocide paysan » en images. Elle a rencontré des familles d’agriculteurs ayant mis fin à leur vie et recueilli le témoignage d’exploitants proches de passer à l’acte, dans la Vienne et ailleurs. « Officiellement, on en est à deux suicides par jour en France. Le Covid a aggravé la situation, isolant encore plus certains agriculteurs », dit-elle, en rappelant que le suicide n’est pas la conséquence d’un problème, 
« mais d’un tout ».

« Et l’année 
n’est pas finie... »

Une semaine après l’Observatoire de l’agribashing (lire encadré), un premier comité de pilotage du mal-être agricole se tient ce mercredi à la préfecture de la Vienne. Preuve que le sujet est pris très au sérieux par les autorités et que « la parole se libère » (Sébastien Caillaud) depuis la sortie du film d’Edouard Bergeon, Au nom de la terre, en 2019. « Il faut lutter contre le fléau du suicide, d’autant plus dans une année comme celle-ci où la sécheresse met de la tension supplémentaire », avance le préfet Jean-Marie Girier. Lutter, la MSA le fait déjà avec son réseau de sentinelles, 150 personnes -parmi lesquelles 80% de femmes- formées à détecter les signaux faibles chez les paysans. « Cela ne peut pas faire de mal d’aller sur le terrain, les agriculteurs veulent de la rencontre », 
observe Karoll Petit.

Entre 2020 et 2021, 30% d’assurés supplémentaires ont bénéficié d’une aide de la MSA, soit 233 exploitants ou salariés de la Vienne. Du remplacement de quelques jours sur l’exploitation au soutien médical voire psychologique, la MSA développe une batterie de mesures pour casser la spirale négative. Roxane Boisson, directrice du service de remplacement observe des « passages à l’acte courants » et une vive urgence. « En 2021, nous avons eu 
19 dossiers d’aide de répit. Depuis le 1er janvier, nous en sommes déjà à 28. Et l’année n’est pas finie... » Malgré les vigies, les agriculteurs ont encore du mal à se signaler, préférant cacher leur profond mal-être. 
« Vous pensez vraiment qu’ils vont appeler le numéro vert de la MSA pour dire qu’ils vont mal ? »,
s’interroge Dominique Pipet, ancienne figure du syndicalisme agricole local. « Quelqu’un qui veut se suicider, c’est d’abord qu’il a envie d’arrêter de souffrir », 
renchérit Sébastien Caillaud. D’où l’enjeu d’une détection précoce, avant qu’il ne soit trop tard.


Agribashing : + 51% de faits dénoncés
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Intimidations, menaces, tags, vol de carburant, sabotage de matériels d’irrigation (deux fois plus)... Entre janvier et fin août, les agriculteurs ont dénoncé 133 actes qui entrent dans le champ de l’agribashing, soit une hausse de 51% par rapport à la même période de 2021. « Cela constitue une forme de charge mentale sur eux et sur leurs familles », estime le préfet de la Vienne. Installé la semaine dernière, l’Observatoire ad hoc vise justement à mieux prévenir ces dérives en amont et à assurer le monde agricole du soutien des autorités.

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