« Emmaüs Maisoncelle, un bel outil »

Troisième volet de notre série sur la Ferme Emmaüs Maisoncelle de Lusignan. Dans quelques semaines, les premiers détenus intégreront la structure. A quelles conditions ? Les réponses de Loïc Nael(*), directeur du Service pénitentiaire d’insertion et de probation de la Vienne (Spip).

Arnault Varanne

Le7.info

Pouvez-nous rappeler en deux mots le rôle du Spip au sein de l’administration pénitentiaire ?
« Le service compte deux équipes, réparties entre Vivonne et Poitiers. En milieu fermé, 8 conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation assurent le suivi d’un peu plus de 700 personnes détenues. En milieu ouvert, 17 CPIP, bientôt 18, suivent environ 1 300 personnes. L’approche n’est pas la même puisque nous devons rendre compte à l’autorité judiciaire du respect des mesures ordonnées. En milieu fermé, on prépare plutôt la sortie. Mais l’objectif est de travailler sur une notion de parcours. »

Pourquoi est-ce si difficile de réussir la sortie de prison ?
« Dans certains cas, c’est compliqué parce que la période d’incarcération a endommagé la situation sociale, familiale... Les ingrédients d’une sortie réussie, c’est d’anticiper et de passer par un aménagement de peine. Avec la Ferme Maisoncelle, on se dote d’un bel outil pour accompagner des personnes incarcérées pour des moyennes et longues peines, supérieures ou égales à trois ans. L’objectif consiste à leur redonner les bases de la vie en collectivité et du travail. En ce sens, l’activité agro-horticole est physique, concrète et rétributive. »


Combien de personnes ont été sélectionnées jusqu’ici ?
« Sur 2023, qui est une année d’expérimentation, notre objectif est d’orienter huit personnes vers la ferme en placement extérieur. Nous avons examiné une vingtaine de dossiers, issus du centre pénitentiaire de Vivonne. Mais nous avons aussi communiqué au sein des centres de détention de Mauzac, Bédenac... »


Comment s’effectue le choix des détenus appelés à être accueillis à Lusignan ?

« La condition sine qua non, c’est qu’ils adhèrent au projet, d’où les entretiens poussés réalisés par les personnels de la Ferme. Les séjours en immersion sont fondamentaux. Après, du côté du Spip, si nous avons des doutes sur la capacité du candidat à s’inscrire dans un collectif, ses motivations ou d’éventuelles pathologies, on diffère. L’évaluation est faite par les CPIP, on travaille de plus en plus avec des outils issus des recherches en criminologie, les grands profils de personnalités. »

Le placement extérieur coûte-t-il moins cher que la détention classique pour le ministère de la Justice ?
« Oui, nous sommes sur un prix de journée à 45€, alors qu’une journée de détention classique coûte environ trois fois plus cher. Au-delà de l’aspect purement financier, il y a une reprise du lien social. Le collectif aide aussi les personnes à réfléchir à la manière dont elles envisagent la suite de leur parcours. »

Les détenus pourront-ils recevoir leurs proches à Lusignan ?
« C’est une bonne question... que nous ne nous sommes pas encore posée sous cette forme. Nous serons plutôt sur des permissions de sortie pour que les détenus aillent voir leurs proches à leur domicile. Après, les journées de vente permettront à la structure de s’ouvrir au public, y compris aux familles. »

Quel sera le rôle du Spip à partir de l’année prochaine ?
« Nous allons mettre en place une permanence délocalisée sur le site. Des CPIP s’y rendront régulièrement pour assurer le suivi des personnes pendant leur placement extérieur. Nous serons présents, tout en laissant à la structure son autonomie. Les personnes restent sous écrou, l’idée est de les accompagner jusqu’au bout de leur peine. »

(*)Avant de prendre la direction du Spip de la Vienne, Loïc Nael a occupé le poste de chef du département des politiques d’insertion au sein de l’administration pénitentiaire pour la région Nouvelle-Aquitaine.

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