Décadence avec élégance

Le Regard de la semaine est signé Cristiane Santos Bodin.

Le7.info

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En préambule, cet article ne fait pas l’éloge de ma profession, au contraire. J’avoue me sentir dévalorisée car j’avais auparavant un statut socioprofessionnel autre que celui que je possède en France. Le métier de professeur est en berne, comme si nous avions été recalés à un examen ou séché un cours. L’Education nationale n’arrive plus à gérer les dégâts réalisés ces dernières années. Cette profession a mauvaise presse. C’est plutôt un opprobre qu’un motif de fierté. Qui veut avoir du pain sur la planche sans pouvoir mettre du beurre dans les épinards ? Qui songe à cette carrière en toute conscience ?

En France, je fais office de professeure sans l’être car à ma grande surprise, contrairement au Brésil, ici je ne peux pas être considérée comme telle puisque je n’ai pas passé des concours, malgré mes sept ans d’études au total, plus vingt ans d’expérience. Cela ne suffit pas. De surcroît, le patronat fait fi des enseignants de FLE (français langue étrangère) et FLS (français langue seconde) en nous proposant des CDD à répétition. Bien sûr, nous les signons. A contrecœur. En outre, quid du système qui propose des certifications FLE/FLS à la va-vite de 36 heures ? Le gouvernement les propose au mépris des enseignants de FLE, dévalorisant complètement des années de formation dans ce domaine. D’un autre côté, être prof de FLE/FLS nous permet de côtoyer des individus qui nous mettent du baume au cœur. Hélas, c’est une profession valorisante, mais pas valorisée.

A qui la faute ? Le déni du système politique et administratif est béant. Dans la prochaine loi de programmation militaire, le gouvernement consacrera un budget de 400Md€ aux armées, alors qu’il promet d’investir beaucoup moins dans l’éducation et la jeunesse. S’il appliquait la citation de Nelson Mandela, 
« l'éducation est l'arme la plus puissante que l'on puisse utiliser pour changer le monde », l’investissement dans l’éducation pourrait peut-être prendre une autre ampleur. Pauvre destin d’une vieille contrée réputée pour sa classe, sa culture, sa littérature. En tant qu’étrangère, je m’étais créé une France de lumière et de richesse intellectuelle.

La classe professorale en France est au bord du gouffre, les professeurs battent en retraite et ce scénario engendre des effets secondaires. Mais il faut doper l’économie et celle-ci va à contresens de l’éveil des idées et de l’intellect. C’est plus facile d’exercer une emprise mentale sur les individus peu scolarisés ou cultivés. La messe est dite ou pourrons-nous changer la donne ? Il faut investir dans ceux qui nous aident à voir loin. On ne veut pas de lingots d’or, juste un peu de beurre. 

CV express
Native de Rio de Janeiro, j’ai fait mes études en français/portugais. Actuellement, je travaille auprès des migrants en tant que formatrice FLS. J’adore mon métier car le contact avec d’autres cultures me permet d’être plus consciente de mon rôle dans ce monde.

J’aime : mon fils, Rio, Gaël Faye, la musique et la culture brésiliennes, Edgar Morin, Charles Aznavour, Simone Veil, faire la cuisine, être à la plage, danser les yeux fermés, les paysages en pleine nature, la sociologie, l’eau de coco et les couchers de soleil à Rio, tous les arts, le Pays basque.

J’aime pas : les incivilités, être sous pression, me réveiller tôt, les mouches, les parfums à la noix de coco, l’injustice sociale, l’injustice tout court, la jalousie.

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