Ce matin, la foudre est tombée

Comment les autorités s’organisent-elles lorsqu’un incendie se déclare dans une cuve de fioul d’un dépôt pétrolier ? Exercice grandeur nature, ce matin, à l’usine chasseneuillaise Picoty et au centre d’opérations départemental de la préfecture.

Nicolas Boursier

Le7.info

 La foudre dans la neige de décembre ? La promiscuité climatique est improbable. Mais qu’importe, puisque l’intérêt suprême est en jeu.

Ce matin, la préfecture est en transe, son centre opérationnel départemental en ébullition. Comme la procédure les y contraint tous les trois ans, les services de l’Etat  ont en charge la mise en œuvre d’exercices grandeur nature de sécurité civile, sur de installations présentant des risques pour la population environnante. A 8h35, les hostilités sont engagées.

La foudre, donc, vient de s’abattre sur le dépôt pétrolier Picoty de Chasseneuil, l’un des deux sites classés Seveso de la Vienne. Elle a provoqué un incendie dans l’une des cuves de fioul de l’usine, le bac n°6. Les moyens de l’entreprise sont limités, les tentatives d’extinction vaines. A 9h18, le Codis est alerté. Trente pompiers sont immédiatement engagés sur les lieux du sinistre.

Cuve de fioul fissurée

A la préfecture, la cellule de crise est déjà formée. Pompiers, gendarmes, représentants de la SNCF, de l’Agence régionale de Santé, de la Croix-Rouge ou de la Dreal (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) sont à pied d’œuvre au côté du responsable de l’entreprise, M. Bourdu, et du maire de Chasseneuil, Claude Edelstein.

Stéphane Jarlégand, directeur de cabinet du préfet, prend les commandes. « Y’a-t-il risque explosion ? », apostrophe-t-il. Le Colonel Brisset, du Service départemental d’incendie et de secours, le rassure. « Pas pour le moment. Mais d’ici midi, on ne jure de rien. Nos hommes ont déversé une solution moussante dans la cuve, sans effet notoire. Nous proposons de délester le refroidissement de petites cuves voisines pour éteindre la 6. » Validé. 

Il est 10h. Un autre problème, majeur, se fait jour. Une fissure est apparue sur l’enveloppe de la cuve. Si le feu n’est pas éteint dans les deux heures, la rupture du container pourrait généraliser le feu à l’ensemble des bacs. Le maître des opérations réagit aussitôt : « Notez qu’à 10h10 exactement, nous lançons le Plan Particulier d’intervention. » (ndlr : PPI)

1500 personnes à évacuer

Branle-bas de combat à l’état-major. Le risque d’explosion est prégnant. La Gendarmerie est sommée d’étendre son périmètre de sécurité de 200 à 300 mètres autour de l’usine. 1500 personnes sont désormais concernées, dont cinq entreprises. Il faut évacuer.

La sirène du PPI a retenti à Chasseneuil. « On nous signale qu’on ne l’entend pas »,  s’étonne la Dreal. A revoir ! Les enfants de l’école primaire et maternelle des Groseillers sont placés en confinement. La Croix-Rouge, elle, a dépêché une ambulance et un minibus de Poitiers, la même chose de Châtellerault. Elle veille immédiatement à l’aménagement d’un centre d’accueil au Palais des congrès du Futuroscope. Et la SNCF, dans tout cela ? Deux TGV en provenance de La Rochelle et Bordeaux ont été stoppés en gare de Poitiers, un troisième l’a été à Châtellerault.

10h51 : le chef du SDIS joue son va-tout. « Si la brèche s’élargit, explique-t-il, l’effet de vague risque de propager le feu dans le gros bac voisin, le 7. Il nous faut absolument tenter d’éteindre le 6. Si, dans quarante minutes, nous n’y sommes pas parvenus, il faudra tout reprendre à zéro. » Le directeur de cabinet acquiesce. Vingt minutes suffisent. 11h14. Fin d‘incendie.

Le PPI est retiré. Picoty reprend une vie normale. La foudre peut retomber, la sécurité civile est parée.

 

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