Allocataires dans l’attente

Le projet de réforme des modalités d’attribution de l’Allocation adultes handicapés (AAH), proposé fin avril par le gouvernement, verra-t-il le jour ? Le président de la République a en tout cas demandé cette semaine à ce qu’il soit rediscuté. Organisations locales et bénéficiaires sont dans l’expectative.

Nicolas Boursier

Le7.info

Le vent du boulet souffle encore à leurs oreilles. Comme le témoignage d’un état d’incompréhension et d’un sentiment d’injustice. En remettant en cause, le 20 avril dernier, les modalités d’attribution de l’Allocation adultes handicapés (AAH), le gouvernement a jeté le trouble parmi les défenseurs et porte-parole des personnes en situation de handicap.

Soixante-sept organisations représentatives se sont ainsi immédiatement réunies en «comité d’entente régional», pour fustiger le projet de décret et demander son retrait. Devant leur insistance et celle de leurs consoeurs de l’Hexagone, le président de la République a fini par demander que ledit projet soit revu et discuté avec les  associations. « Une mesure extrêmement sage », se félicite Valérie Champion, présidente de la Commission départementale des Droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), autorité gestionnaire de l’AAH.

Sur le fond, ce projet de décret remet en cause l’autonomie de la CDAPH et de ses membres (organismes sociaux, associations de parents d’handicapés, direction de la cohésion sociale, conseil général…), en accordant à l’Etat une représentativité de 20% dans la gestion des AAH et une minorité de blocage propre à maîtriser l’impact budgétaire des décisions prises. Une « aberration » pour le Comité d’entente régional. « En s’accordant à lui-même le pouvoir d’attribuer ou non l’AAH, clamait- il la semaine passée, l’Etat remet en cause la notion-même de droit à la compensation des personnes handicapées, pour s’en tenir à une simple logique d’aide sociale (…) Il ne revient pas à l’Etat de reconnaître le droit, mais de veiller à ce qu’il soit appliqué. »

Le refus de Nicolas Sarkozy d’entériner dans la hâte cette réforme est une étape vers un « retour à la raison ». « Il va surtout dans le sens des promesses faites par le président d’augmenter de 25%, d’ici à 2012, l’enveloppe consacrée à ces allocations, étaie Valérie Champion. Je lui fais confiance, ces promesses-là seront tenues

Pour les personnes handicapées, le danger plane toujours. Pour la plupart, l’AAH est un moteur de survie. Elles ne comprendraient pas que les enveloppes soient saturées. C’est le cas de Ludovic, «pensionnaire» de l’Esat Henri-Bucher de Vivonne.

Chaque jour, ce jeune travailleur handicapé autonome de 26 ans effectue le trajet, avec sa voiture personnelle, entre le domicile qu’il partage avec sa copine et l’atelier de fabrication de palettes en bois du centre.

« Moi, je touche 302€ d’AAH en plus de 500€ de salaire et de l’APL. Avec presque 1000€ par mois, je ne m’en sors pas trop mal, par rapport à d’autres. Mais si on me supprime l’allocation, c’est certain, je ne pourrai plus vivre. » Le risque vient d’être levé. Pour combien de temps ?


Un budget de 39,6 M€


Le budget consacré, dans la Vienne, à l’Allocation adultes handicapés, est de 39,6 M€. Pour la seule année 2010, 1158 dossiers de demandes ont été étudiés, 940 validés (soit 81% d’acceptation). « Toute la difficulté, pour nos services, est de juger du bien-fondé de la demande, éclaire Valérie Champion. Je constate depuis trois mois que de nombreux dossiers émanent de personnes socialement en difficulté. La frontière entre le handicap et cette précarité sociale est parfois très ténue et délicate à cerner. »

L’AAH est versée par la Caisse d’allocations familiales ou la Mutualité sociale agricole, selon le profil du bénéficiaire. Son montant, plafonné à 727,61€ par mois, varie en fonction des ressources. Elle peut être attribuée à des  travailleurs handicapés, en complément de salaire, ainsi qu’à des personnes handicapées de plus de 20 ans,  justifiant d’une incapacité totale ou partielle.


Selon les statistiques de la Caf et de la MSA, les allocations ont progressé en Vienne de 19% entre 2008 et 2010, le nombre de bénéficiaires de 4%.
Plus d‘infos sur www.mdph86.fr

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