Responsable de l’unité de soins palliatifs du CHU de Poitiers, Laurent Montaz comprend que la précédente loi Léonetti fasse l’objet d’un réaménagement. La proposition faite, ce vendredi, au Président de la République comporte pourtant, selon lui, quelques zones d’ombre…
Docteur Montaz, que vous inspire la proposition de loi présentée à François Hollande ?
« Je retiens d’abord que l’on ne parle pas assez de l’entourage des malades. Je croise, tous les jours, des gens en fin de vie, qui ont conscience de leur situation et de son caractère inéluctable, mais qui font face, parfois dans un état d’apaisement déroutant. En revanche, pour bon nombre de conjoints, fils ou mères, l’impuissance est destructrice. Le pire, c’est l’abandon. Le pire, c’est que l’on n’explique pas à ces familles, que l’on ne tienne pas compte de leur avis et de leur propre souffrance. Ainsi, il aurait été bon, selon moi, que l’article sur les directives anticipées précise la nécessité d’une rédaction collégiale, intégrant le malade, son conjoint, descendant ou ascendant, et un médecin formé à la fin de vie. Ce vide législatif me dérange. »
Si le texte d’Alain Claeys et Jean Léonetti est retenu, vous, médecin, aurez l’obligation de respecter les volontés du malade.
« La raison d’être des soins palliatifs est de mettre au service du patient un arsenal thérapeutique et humain capable de l’accompagner, de la vie à la mort, dans un confort maximal. La sédation, comme le ralentissement ou l’arrêt de certains traitements, font déjà partie de cet arsenal. De fait, nous ne donnons jamais la mort, mais nous aidons régulièrement à mourir.
Ce qu’une très grande majorité de malades redoutent, c’est l’acharnement. Aujourd’hui, la loi prétend le combattre. Soit. Mais lorsque l’obligation se présente au médecin d’« agir », comment procéder ? Le fait-on dans l’instant, pour respecter la loi, ou prend-on le recul nécessaire pour une consultation réfléchie, avec les confrères et la famille ? Pour moi, ce délai de réflexion, fût-il de quelques heures ou quelques jours, est fondamental, car il correspond à un temps de vie, au cours duquel les proches et les patients eux-mêmes peuvent encore mesurer la joie et le bonheur d’être ensemble. On ne peut ôter ce moment de partage ni aux uns, ni aux autres. »