Une reprise commerciale en pointillés

La réouverture des magasins constitue un soulagement pour les commerçants et leurs clients. Mais derrière l'enthousiasme des retrouvailles, la crise guette. Les prochaines semaines s'annoncent déjà décisives pour le maintien de certaines activités.

Steve Henot

Le7.info

Déconfinement pluvieux, déconfinement heureux ? Après deux mois d'abstinence forcée, c'est peu dire que les magasins du centre-ville de Poitiers ont été soulagés de pouvoir enfin rouvrir leurs portes. Et en dépit d'une météo maussade, la clientèle semble avoir été au rendez-vous. Pas la foule des grandes périodes de promotion, mais « plutôt pas mal »  pour un retour, note-t-on à Astuces de cuisine. « Dès le premier jour, les gens ont acheté, observe une salariée de la boutique de prêt-à-porter Alexandre Dony. Mais ils n'ont pas essayé. » Mesures sanitaires obligent, l'intérieur des commerces a été bouleversé. Bornes de gel hydroalcoolique aux entrées, circulation à sens unique... Jean-Bernard Lassale, à la tête de huit magasins à Poitiers, dit ainsi avoir déboursé près de 1 000€ en produits et signalétiques. Le dirigeant reconnaît qu'une réouverture dans ces conditions lui « coûte plus cher que de rester fermé ». Sans avoir sérieusement considéré cette dernière hypothèse.

Toute la semaine, le président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de la Vienne a pris le pouls de cette réouverture, dans toutes les grandes villes du département. Claude Lafond y a relevé un certain « optimisme » des commerçants, certains tentant d'ailleurs de se réinventer face à la crise. C'est le cas d'Anne-Laure de Kermel, d'Astuces de cuisine, qui a mis en place un service de click'n collect, via ses réseaux sociaux. Une solution qui, si elle « ne fait pas vivre une boutique », a donné des idées à la gérante. « Je me demande si je ne vais pas créer un site Internet, ou organiser des visites sur rendez-vous... Il va falloir être inventif, essayer de créer des choses, mais il va falloir le faire vite. »

Des trésoreries de moins d'un mois

Car la situation n'en demeure pas moins tendue. Une enquête réalisée au début du mois par l'association de commerçants Poitiers le centre entend « tirer la sonnette d'alarme ». Sur 117 commerces répondants, 63% possèdent une trésorerie qui ne dépasse pas un mois d'inactivité. Leur pérennité est donc aujourd'hui fortement compromise . C'est pourquoi l'association a soumis à la municipalité et à la CCI une liste de propositions, inspirées par ce qui se fait dans d'autres villes de France (fourniture d'un kit de protection par commerce, mise en place d'aides financières diverses, dynamisation du centre). « Toutes les demandes seront étudiées, on y travaille, assure Florie Cesard, manager du centre-ville pour Grand Poitiers, tout en rappelant les actions déjà engagées par la municipalité. Mais on ne peut avancer tant que l'on ne sait pas quand faire revenir la foule sans danger. »

Les prochaines semaines s'annoncent pourtant décisives. « L'objectif pour les entreprises est d'atteindre leur seuil de rentabilité le plus rapidement possible, précise Pierre-Marie Moreau, administrateur de Poitiers le centre. Si l'activité n'est pas au rendez-vous, elles n'auront plus de trésorerie au 1er juin pour payer leurs collaborateurs. » Plusieurs commerçants espèrent un report des soldes d'été. Mais l'absence de visibilité à plus long terme demeure, dans une angoisse encore latente. « J'ai peur pour la rentrée, quand on va avoir à payer tous les emprunts, confie Anne-Laure de Kermel. Et aussi pour décembre, qui représente un quart de mon chiffre d'affaires. S'il chute, c'est fini pour moi. »

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