Dossier - Le péril industriel

En proie à de fortes secousses dans l’automobile et l’aéronautique, les acteurs de l’industrie s’apprêtent à traverser une zone de turbulences dont les conséquences, sur l’emploi notamment, seront lourdes.

Arnault Varanne

Le7.info

Il y a encore quelques semaines, la première préoccupation des entreprises de l’industrie consistait à attirer de nouveaux collaborateurs, en particulier dans le bassin châtelleraudais. L’ouragan Covid-19 a balayé toutes les certitudes des dirigeants les plus optimistes. Aujourd’hui et dans les mois (années ?) à venir, la priorité sera de sauver les meubles et de préserver un train d’activité acceptable. « Dans la Vienne, le bassin industriel est principalement concentré autour de l’automobile et de l’aéronautique », analyse Philippe Jehanno, président de l’UIMM 86. Les deux secteurs ont évidemment souffert du confinement mondial. Le trafic aérien a chuté de 80 à 90%, alors que « les stocks des constructeurs automobiles sont pleins ». Par ricochet, les sous-traitants ressentent les premiers effets. 

« Quand va-t-on voyager normalement ? »

« Les carnets de commandes sont bas après deux mois et demi de quasi-arrêt, prolonge le dirigeant du groupe Techman-Head. Nous constatons une baisse de 40 à 60% des entrées de commandes en fonction des entreprises... » Et les annulations en cascade de commandes d’avions auprès d’Airbus laissent augurer un automne très compliqué. Le sous-secteur de la maintenance n’échappe pas aux effets de la crise. « Plusieurs questions se posent : quand va-t-on voyager normalement ? En Europe ? A l’international ? Quel sera le comportement des passagers des compagnies ? » Pour Jean-Marc Neveu, dirigeant de quatre entreprises industrielles, à Châtellerault et Challans (35 salariés, 4M€ de CA), un retour à la « normale » n’est pas envisageable « avant trois à cinq ans » dans l’aéronautique. 

Transformer la crise en opportunité

Si les prédictions des observateurs s’avèrent exactes, le bassin industriel châtelleraudais devrait donc connaître une crise pire que celle de 2008-2009. « Il faut absolument éviter les pertes de compétences », coupe Philippe Jehanno. Qui prône de fait un recours facilité au chômage partiel. « Il est plus facile de ramener vers l’entreprise des personnes en chômage partiel à 40% de leur temps, que des personnes complètement éloignées de l’emploi. » De son côté, Jean-Marc Neveu veut transformer la crise en opportunité. Pendant le confinement, CDA Développement a ainsi « amorcé une petite diversification » en participant à la fabrication de visières pour les personnels d’hôpitaux, d’Ehpad... « On s’est aussi aperçu que certaines de nos pièces étaient utilisées dans la composition de respirateurs artificiels. » Aéronautique, automobile, énergie, médical... Le dirigeant constate d’ores et déjà « plus de demandes sur des petits projets industriels ». « Avant de faire retravailler nos amis asiatiques pour gagner quelques centimes, les donneurs d’ordre ont intérêt à jouer la carte du local, au moins à l’échelle européenne. » Lui milite pour un « rapprochement encore plus fort » avec ses voisins. 

Cela dit, avant d’amorcer le monde d’après dans l’industrie, il va falloir écoper les voies d’eau dans le navire industriel châtelleraudais. Tous les regards se tournent, dans un premier temps, vers les Fonderies d’Ingrandes, auxquelles nous consacrons un sujet dans ce dossier spécial. Le plan d’économies annoncé par Renault n’augure hélas rien de bon pour ce fleuron industriel. 

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