Piko Paseos sort du cadre

Piko Paseos, de son nom d’artiste. 32 ans. Deuxième membre de la fratrie Maynier. A toujours baigné dans l’univers du basket, tout comme ses frères. En parallèle de son emploi à la Caf de Poitiers, il s’adonne à la photographie, un art dans lequel il s’épanouit, assouvissant sa soif de découvertes et de rencontres.

Steve Henot

Le7.info

Il a atterri à Manille au soir du 12 mars dernier. Cinq jours seulement après son arrivée, Piko Paseos -de son nom d’artiste- a été contraint de quitter les Philippines en raison de la pandémie de Covid-19 et d’une quarantaine autoritaire. « L’armée fermait tous les quartiers. J’ai fait de la photo pendant deux jours, avant d’être confiné. J’ai eu la chance de trouver un vol retour juste avant que l’aéroport ne ferme », raconte le Poitevin de 32 ans. A Manille, le jeune photographe voulait poursuivre un reportage entamé un an plus tôt, à la découverte des gangs de la ville et de ses cimetières, sur lesquels se sont érigés des bidonvilles. « J’y suis retourné pour quelqu’un qui souhaite en faire un livre, explique-t-il. J’avais besoin de comprendre un peu mieux comment fonctionne la vie. » Là-bas, l’artiste amateur s’est immergé sans crainte dans un univers où, pourtant, la misère côtoie la violence. « Lors de mon premier séjour, j’avais une petite appréhension qui a disparu au fil des rencontres. Avec de bonnes intentions, les gens s’ouvrent à vous plus facilement. Je n’ai pas eu peur une seule fois. » Pas même lorsque ce Philippin a pris la pose, revolver tendu vers l’objectif. « J’aime photographier des gens charismatiques. Ils n’ont pas peur de la mort, pensent que les valeurs restent… C’est ce qui m’a attiré chez eux, avec leur gentillesse. »

Du basket à la photo

Piko Paseos affectionne les portraits en noir et blanc. Des portraits qui racontent autant que les mots, mots avec lesquels il reconnaît être « moins à l’aise ». Avant d’être une passion, la photo a d’abord été un moyen de raconter à ses proches son tour du monde, entrepris en 2014. Son boîtier lui a permis de briser la glace, de sortir de sa réserve. « Maintenant, je n’ai plus de peur, plus de timidité. La photo a vraiment débloqué un truc en moi », confie celui qui tient à être identifié par son pseudonyme. L’homme s’efface volontiers derrière ses sujets iconographiques. « Je préfère que l’on s’intéresse aux histoires derrière les photos, plutôt qu’à moi », dit-il, sans pour autant rechigner à se confier. Avant la photo, Piko Paseos s’est passionné pour le basket, tout comme ses deux frères.

Passé par la case sport études, le deuxième membre de la fratrie Maynier(*) semblait même se destiner à une carrière pro, dans les pas de Sylvain, son aîné. Mais, la vingtaine passée, il commence à nourrir d’autres envies, de voyages, d’expériences… En parallèle du sport, le Poitevin a « toujours été sensible à l’art », en particulier aux arts de la rue. Ado, il convient avoir graffé « quelques conneries », avant de s’adonner plus sérieusement aux pochoirs.

Ses premiers clichés, il se rappelle les avoir pris avec les appareils, argentique puis numérique, de ses parents, eux-mêmes à l’aise avec la photo. « Récemment, j’ai récupéré toutes les diapos de mon père, il en faisait beaucoup avant ma naissance. Cela ne vient pas de nulle part ! », sourit l’autodidacte. Le déclic intervient en 2014, à l’issue de son tour du monde. Sa compagne lui organise une exposition au Dortoir des moines, à Saint-Benoît. Les tirages rencontrent un succès inattendu, ils sont tous vendus. « C’est ce qui m’a encouragé à continuer à fond dans cette voie. » Faire de sa passion son métier lui traverse alors l’esprit. Assistant technique à la Caf de la Vienne depuis dix ans, Piko Paseos a fait le choix du pragmatisme. « J’ai de bons horaires, pas mal de vacances qui me permettent de voyager… Et surtout, je n’ai pas envie d’être contraint à faire des commandes pour la photo, de perdre ma liberté pour pouvoir continuer. Finalement, ma situation est équilibrée. »

Souvenirs gravés

Piko Paseos a depuis mené de nombreux projets. Pendant deux ans, il a photographié et filmé des danseurs classiques et de hip-hop à Poitiers, Paris, Bordeaux, Nantes… Régulièrement, il donne des « coups de main » à des amis rappeurs, en leur fournissant quelques visuels. La semaine dernière, la marque Biffin l’a sollicité pour illustrer sa dernière collection de sapes. Le photographe poursuit l’installation de son studio à Latelier, un lieu de création artistique situé en plein cœur de Poitiers. « Ce ne serait pas possible d’avoir un atelier comme celui-ci à Paris, savoure-t-il. Plus ça va, plus je fais des connexions avec beaucoup d’artistes locaux. Il y a toujours du bon à créer ensemble. » Forcément, la crise sanitaire a repoussé ses prochains voyages, aux Philippines donc mais aussi en Asie du sud-est. Papa d’un petit garçon de bientôt 5 ans, il ne cache pas que le contact avec « ces populations qui n’ont pas l’attention des grands médias » va lui manquer. « Je me nourris de ces rencontres. Cela m’a conforté dans l’idée que l’humain est bon si l’approche, elle, est bienveillante. » A ce titre, l’artiste se dit très attaché à la notion de karma, au point de l’avoir fait graver à-même sa peau. Entre autres tatouages qui sont autant de souvenirs de séjours, de rencontres toujours très présentes, indélébiles. « Ma famille me dit que je devrais arrêter mais les tatouages racontent mon histoire. Et tant que j’aurai quelque chose à raconter, il y en aura. »

 

(*) Sylvain a longtemps été le capitaine du PB86, Mathurin est actuellement entraîneur au sein du club.

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