La difficile équation des salles de spectacle

Les salles de spectacle rouvrent officiellement ce mardi, dans les zones vertes. Dans la Vienne, les regards sont tous déjà tournés vers la prochaine saison culturelle avec, malgré tout, un gros point d'interrogation : comment parvenir à faire vivre l'art au temps de la distanciation ?

Steve Henot

Le7.info

Enfin une bonne nouvelle pour le monde du spectacle vivant. Après plusieurs semaines de fermeture, entre incertitudes et réelles inquiétudes, les salles de spectacle sont de nouveau autorisées à accueillir du public, à compter de ce mardi. Du moins, en théorie, puisque la plupart des structures ont prématurément mis fin à leur saison culturelle, avec annulations et reports de dates survenues durant le confinement.

Dans la Vienne comme ailleurs, le remboursement de ces billets revêt un premier enjeu financier certain. Avec huit reports et quatre annulations, ce sont pas moins de 30 000€ qui sont en suspens pour les 3T à Châtellerault. « Cela pèse sur la trésorerie », admet Catherine Dété, la directrice, assurant toutefois que la scène conventionnée finira l'année à l'équilibre. A Poitiers, le TAP a remboursé, lui, 15 000 billets sur 55 représentations (dont 36 ont été reportées). « Dans le même temps, nous avons rémunéré les artistes et honoré le complément à charge des intermittents », précise Jérôme Lecardeur, son directeur, qui doit aussi composer avec une baisse de 100 000€ de la subvention allouée par la Région.

Spectacles et distance, compatibles ?

Le coût des annulations et reports n'est pas la seule préoccupation des scènes de la Vienne. Présenté dans un document ministériel diffusé avant les annonces de jeudi dernier, le protocole sanitaire qui s'impose à elles -distanciation, gestion des flux- constitue un casse-tête supplémentaire. « C'est un document très contraignant, complexe, qui va poser question à tous les directeurs de salles, confie Catherine Dété. On espère tous qu'il va s'alléger d'ici septembre, sinon il nous faudra envisager une autre façon d'accueillir le public. » Au cas où, les 3T ont préparé un « Plan B » soit une programmation alternative de spectacles adaptés à de plus petites jauges (entre 100 et 150 spectateurs). Au théâtre Charles-Trenet, la perspective d'une salle remplie de moitié contraint Laurent Roy à préparer une saison allégée, « avec un peu moins de gros spectacles » et un recentrage sur les artistes locaux et régionaux. « Car ce sont les petites compagnies qui vont avoir le plus besoin de soutien », estime le coordinateur culturel de la salle chauvinoise.

Le TAP, lui, en est déjà à son quatrième plan de programmation. L'ouverture de la saison se fera en deux temps, les 15 et 16 septembre prochains, avec naturellement deux fois moins de spectateurs par soirée. « On va se débrouiller, on sera là », clame Jérôme Lecardeur, qui ne veut pas entendre parler d'une saison au rabais. « Il y aura certes moins de recettes (du fait de la distanciation, ndlr), mais des spectacles vont pouvoir le supporter. » Du côté des artistes, aussi, la réflexion est entamée pour s'adapter bon gré mal gré à ces nouvelles conditions de jeu, très particulières.

« La distance avec le public va installer quelque chose de très différent, qui risque de compromettre la réception des spectacles », craint Catherine Dété. « On devait être dans l'intimité de ce qui se joue, poursuit le directeur du TAP. Or on sera là dans un rapport de distance physique où chanter, danser devient un acte suspect, dangereux, à-même de transmettre le virus. On est horriblement déçu et triste, mais la situation est celle-là. » Après avoir vécu confiné, l'art est plus que jamais appelé à se réinventer, cette fois au temps de la distanciation.

DR - Théâtre-auditorium de Poitiers

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