A Poitiers, un samedi chez le disquaire

Cette année, il n’y aura pas un mais quatre Disquaire Days. La première journée, dédiée à la production francophone, a lieu samedi. Dans la Vienne, seul le Charivari participe à cette opération, qui vise à promouvoir les petits disquaires indépendants. Rencontre.

Steve Henot

Le7.info

Même avec un masque sur le visage, Jérôme Thiré n’a pas son pareil pour partager ses coups de cœur musicaux. « Je pense que je transmets assez facilement », lâche le disquaire, au sortir d’échanges passionnés avec un client. Dans sa petite boutique, rue des Vieilles Boucheries en centre-ville de Poitiers, le gérant du Charivari se prépare à la première journée des Disquaires Days.

Lancé en 2008, d’abord aux Etats-Unis et au Canada, cet événement vise à mettre en avant les petits disquaires de proximité par la sortie en exclusivité de rééditions limitées. Dans la Vienne, Jérôme Thiré est le seul à participer à l’opération. « Ce sont des dates importantes pour moi, comme Noël », confie-t-il. Le commerçant affiche d’ailleurs un certain optimisme sur cette édition un peu particulière, décalée et étalée sur plusieurs journées en raison de la pandémie. « On sent qu'il y a un gros besoin, il y a même plus de demande que d'offre. Je n'aurais sans doute pas assez de disques sur Christine & The Queens et Etienne Daho », craint même celui qui anime une émission musicale, tous les vendredis soirs, sur Radio Pulsar.

Au Charivari, l'opération a toujours été un succès. « Il ne doit me rester qu'une seule sortie de l'année dernière en stock. » A quelques pas de là, chez Plexus Record, voilà pourtant plusieurs éditions que l'on a arrêté de participer à l’événement. « On n'en voyait plus trop l'intérêt et même pour les clients qui peuvent trouver ces rééditions quelques mois plus tard, à moindre tarif, à la Fnac. » Pour Jérôme Thiré, les Disquaires Days restent avant tout l'événement d'un public de niche, bien ciblé. « Il y a un côté redondant dans le fait de rééditer un disque, mais les gens en demandent. C'est une clientèle de collectionneurs, de passionnés, de complétistes même. On m'a par exemple appelé de Royan pour savoir quels vinyles j'aurais le jour J ! »

Petite marge et rude concurrence

Ces dernières années, le marché du vinyle connaît une seconde jeunesse. Selon les chiffres du syndicat national de l’édition photographique (Snep), les ventes ont plus que doublé entre 2016 et 2018 (de 1,6M d’unités à 3,9M). La part d’équipements en platine a, elle, également de progressé de 60% sur ces deux années (155 000 ventes en 2018). « C'est un micromarché, tempère Jérôme Thiré. Il y a surtout eu un regain sur la seconde main, ce qui est moins vrai sur le neuf. L'activité économique reste compliquée. Sur un disque à 25-30€, je ne me fais qu'une petite marge, sans compter que la concurrence est rude. » Dans le viseur du commerçant, les plateformes de streaming qui ont explosé et surtout, bouleversé la façon de consommer la musique. Restent heureusement les irréductibles passionnés du support physique.

Après deux ans à la tête de la boutique, sans avoir pu trouver d'associé avec qui monter son rêve initial de bar-disquaire, Jérôme Thiré avait envisagé d'arrêter l'aventure à l’issue de ces Disquaires Days 2020. La pandémie a finalement retardé l'échéance. « Peut-être que ces trois dates apporteront quelque chose », espère-t-il. L'esquisse d'une seconde chance pour ce petit commerce indépendant.

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