Natacha Bercovici, cheffe de tribu

Natacha Bercovici, 46 ans. Restauratrice et cheffe cuisinière de La Bergerie, à Nieul-l’Espoir. De l’énergie à revendre, pour elle et pour les autres. Chaleureuse et pétillante. Adepte du « au moins, c’est dit ! ».

Claire Brugier

Le7.info

«J’habite au bord de la mer !» La mer, à Nieul-l’Espoir ? Un étang serait plus exact, mais Natacha Bercovici ne craint pas les hyperboles, ni les « vilains mots » qui lui échappent parfois. Le temps n’a pas émoussé son franc-parler, elle l’assume « même si cela (lui) a joué des tours parfois. Mais au moins, c’est dit ! », assène-t-elle de sa voix légèrement éraillée. Après seize ans dans la Vienne, d’abord au Moulin de Trancart, à Marnay, puis « sur le Rocher » de Nieul-l’Espoir, aucun accent ne trahit plus les origines méridionales de la volubile cheffe cuisinière et propriétaire de La Bergerie, biberonnée à « la vraie cuisine, faite avec de vrais produits ».
« Mes parents étaient restaurateurs, je suis née dans la bouffe », confie-t-elle. Et au sein d’une famille de cinq enfants. Ceci expliquant cela, pour Natacha Bercovici, la vie comme la cuisine ne valent que si elles sont partagées. Autour d’une assiette, en famille ou entre amis, mais aussi sur les ondes de France Bleu Poitou, avec les apprentis qu’elle prend sous son aile et auprès de toute son équipe. « Ce sont mes gamins, ma tribu. Je passe plus de temps avec eux qu’avec ma propre famille. Le pire du confinement, c’est d’avoir été coupée de tout le monde ! Mon plus jeune fils, 14 ans, m’a même dit qu’il préférait quand je travaille », sourit la maman de trois garçons.

« Ils n’ont rien mais ils sont dans le partage »

Après trois mois de fermeture, « la situation est très compliquée », convient la restauratrice de 46 ans. Mais baisser les bras, elle n’a jamais su faire. « Petite, Natacha était déjà super dynamique, rien n’était grave, tout était surmontable », confie sa mère Martine. « Je suis en bonne santé, c’est le plus important. Tant qu’on est en vie, s’il faut repartir à zéro, ce n’est pas grave. C’est juste un autre défi, même si là, on n’a pas toutes les ficelles, on dépend de nos clients », résume sa fille avec sagesse.

« Jeune, j’ai croisé des gens, ce que j’appelle des vraies personnes, qui m’ont appris la vie, à ne rien lâcher... Et puis avant de m’installer, j’ai voyagé, j’ai vu ce que c’était ailleurs, je me suis blindée, j’en ai bavé... » Elle n’en dira pas davantage sur ces blessures et d’autres que l’on devine à fleur de mots. Elle enchaîne. « Je suis beaucoup allée en Asie, En Thaïlande, au Cambodge, au Vietnam... » Amoureuse des voyages, elle y retourne encore volontiers. « J’aime leur philosophie de vie, ils n’ont rien mais ils sont dans le partage, ils sont heureux. Et puis les saveurs dans ces pays, leurs modes de cuisine... » Pause admirative. Chez cette femme pétillante et chaleureuse, les silences sont rares, l’inactivité plus encore.

« Je n'ai pas le droit d'être malade »

Voilà deux ans, cédant à une pression amicale, Natacha Bercovici est devenue conseillère prud’homale, section commerce. « Je n’avais rien demandé mais c’est hyper-passionnant. On est dans l’humain, dans des situations concrètes de la vie simple. » Pour « prendre la température en hyper-centre », elle fait partie de réseaux comme Entreprendre au féminin, mais elle n’est jamais aussi bien qu’au bord de sa « mer ».
Tout en parlant, ce jour-là, cette travailleuse acharnée veille à la mise en place du service de midi, donne des instructions à l’une pour le ménage, conseille avec fermeté à un autre de mettre un manteau pour sortir, met à la porte Vox, 16 ans et quatre pattes, qui a pris de mauvaises habitudes pendant le confinement. Une vraie cheffe de tribu qui se fait fort de toujours répondre présente, avec cette énergie de l’espoir qu’elle puise dans ce qu’elle tait le mieux. Simplement, « je n’ai pas le droit d’être malade ! », lâche-t-elle. Pour respecter cette intime injonction, elle a fait une croix sur l’équitation, le ski... « Je suis passionnée de tout ! Mais les années passent, je me préserve. Je ne regrette rien. La vie continue. »

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