Christian Prudhomme : « Une envie de Tour décuplée »

Tout l’été, Christian Prudhomme s’est rendu dans les villes-étapes de ce 107e Tour de France. Lors de son passage à Poitiers et Chauvigny, début juillet, le directeur de course a livré son sentiment sur cette édition particulière, reportée en raison de la pandémie de Covid-19.

Steve Henot

Le7.info

Christian, comment avez-vous vécu la période d’incertitude qui a conduit au report de ce 107e Tour de France ?
« Je l’ai vécue au téléphone, dès la fin de Paris-Nice, du matin au soir, en contact avec les élus. Après l’allocution du Président de la République, le 13 avril, on s’était dit qu’il fallait donner rapidement de nouvelles dates. On avait commencé à travailler dessus, mais on ne s’attendait pas à devoir les communiquer aussi vite. On passe alors des coups de fil, on laisse des messages… Au final, tous les élus concernés m’ont dit : « On y va ! » C’est l’une des raisons de ma présence ici (l’interview a été réalisée le 9 juillet, lors de sa venue dans la Vienne, ndlr), pour leur dire merci car sans eux, la chaîne se serait rompue. On est des locataires dans le vélo, on n’a pas de stade qui nous appartient. Le terrain d’expression des coureurs, c’est la route et c’est pourquoi on a besoin des élus et des services de l’Etat. »

Vous avez fait le tour des villes-étapes durant tout l’été. Avez-vous senti une attente particulière autour de cette édition ?
« A Poitiers, j’ai été impressionné par le nombre de personnes qui étaient présentes sur la ligne d’arrivée ! Ravi même de voir les sourires, les gamins, le monde du handisport… Il y a à l’évidence une envie de Tour, qui est décuplée cette année. Décuplée parce que les gens ont envie de vie, bien sûr, mais aussi parce que le Tour a été magnifique l’année dernière. Julian Alaphilippe et Thibaut Pinot les ont fait rêver. De plus, le carré d’as français va être reconstitué puisque Romain Bardet sera là, Warren Barguil aussi. Barguil, sans les contre-la-montre, il aurait fini 6e l’année dernière. »

Quel regard portez-vous sur le tracé 2020 ?
« Je crois beaucoup en l’aspect tactique de ce Tour parce qu’il part du Sud -c’est rare (seulement la 7e fois, ndlr)- et qu’il utilise au maximum le relief. La Vienne, avec la Charente-Maritime, est l’un des seuls départements à exister sans relief dans ce Tour… Mais avec du vent, ce qui peut changer la donne. »

Quelles sont les particularités des deux étapes traversant la Vienne ?
« A Poitiers, ce sera très clairement un sprint royal. C’est une étape courte, la plus belle et la plus longue ligne droite de ce Tour -1 600m- avec ce faux-plat montant qui promet un final pour des sprinteurs très puissants. Le jeune Australien Caleb Ewan, qui a gagné trois étapes l’année dernière, a-t-il une chance ? Peter Sagan peut-il tirer son épingle du jeu dans un tel final en montée ? Je ne sais pas. Le vent déterminera s’il faut partir de loin ou au dernier moment, mais ce sera sans aucun doute une arrivée spectaculaire. Le lendemain, ce sera la plus longue étape du Tour, de Chauvigny à Sarran. C’est un match à deux vitesses. Soit une échappée qui ira au bout, soit des leaders qui voudront se jauger au Suc au May (908m d’altitude, ndlr), à une vingtaine de kilomètres de l’arrivée. Laurent Jalabert l’a reconnu, cela ne va pas être facile ! Outre l’aspect sportif, ce sera une journée à la mémoire de Raymond Poulidor, qui nous a quitté au mois de novembre, puisque l’étape passe par Saint-Léonard-de-Noblat, sa ville natale. »

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