Poitiers : en attendant le(ur) Tour

Ils ont attendu longtemps, pendant plusieurs heures pour certains, pour voir passer la caravane puis les coureurs. Pour les aficionados comme pour les autres, la grande fête du Tour de France a tenu toutes ses promesses à Poitiers, arrivée de la 11e étape de la Grande Boucle. Ambiance sur le parcours poitevin.

Claire Brugier

Le7.info

Elles sont arrivées avant 9h ce matin pour décrocher les meilleures places… Laurence et sa fille Jessica, la vingtaine, avaient prévu les chaises, les chapeaux et les ravitaillements pour cette chaude et longue journée. Sans oublier le chargeur externe pour les smartphones, histoire de suivre l’étape et de ne surtout pas rater la photo tant recherchée. « Je suis passionnée depuis 2011, raconte Jessica. J’avais parié avec mon père que Thomas Voeckler porterait le maillot jaune et c’est arrivé le lendemain ! » Fan absolue de l’ancien coureur cycliste, la jeune femme l’a suivi sur plusieurs courses. « Je roule aussi de mon côté et j’ai son équipement complet », poursuit-elle. Originaire de Mirebeau, elle regrette l’époque où les coureurs pouvaient s’arrêter pour discuter et prendre un selfie. Cette année, Covid oblige, la grande majorité a vite disparu dans les bus des équipes après l’arrivée, à l’exception des leaders appelés sur le podium pour le protocole.

Près du bâtiment de la Sécurité sociale couvert de ballons jaunes, une vingtaine d’enfants du centre de loisirs de Saint-Eloi sont venus en voisin. Casquettes jaunes et bob vichy Cochonou se sont disputé le leadership sur les abords de la course. Geneviève, la soixantaine, a choisi le clan des jaunes. Arrivée vers midi, elle avoue s’intéresser « davantage aux paysages de France » qu’aux performances des coureurs. « Mais comme ça se passait à Poitiers, on a voulu le voir en vrai… » Tout le contraire de Samuel, qui se présente comme un ancien professionnel de l’époque de Florian Rousseau avec qui il a roulé. Lui est venu d’abord « pour le spectacle et rien que pour cela ».

De Biard au Pont-Neuf

L’effervescence du moment s’est ressentie de Biard au Pont-Neuf en passant par la Porte de Paris où des centaines de spectateurs se sont amassés. Bernadette et Jacqueline se sont installées vers 13h, le nez au ras des barrières de sécurité, à quelques dizaines de mètres de la ligne d’arrivée. « On a prévu les sièges, on discute, on se tient compagnie. L’ambiance est super », commente la seconde, venue tout spécialement de Chalandray. Les deux amies n’en sont pas à leur première étape du Tour de France, mais une arrivée, c’est une première. « Je suis fan ! scande Bernadette. Depuis toute petite et j’ai 73 ans ! J’ai vu mes parents le regarder tous les jours. Quand un coureur tombait, comme Louison Bobet par exemple à l’époque, ma mère pleurait. Elle est décédée à 91 ans et elle était encore capable de pleurer devant le Tour. J’aime la course, le cyclisme, les commentaires de Franck Ferrand, il nous fait voyager. Le Tour c’est de l’émotion… Ça me donne la chair de poule. » 

Assise au ras du sol un peu plus loin, la toute jeune génération attend également depuis plusieurs heures, de pied ferme, le passage de la caravane et des coureurs. Micaela, Béatrice, Patricia et leurs cousins-cousines, tous d'origine lusophone, ont attendu longtemps à l’ombre de la banderole. Mais pas l’ombre d’un début d’ennui. « On est venus voir le Tour. Il y a des cyclistes portugais… », justifie Béatrice, les yeux rieurs au-dessus de son masque. Pour ce qui est de leurs noms, la fillette n’est plus très sûre. « On a joué, on a commencé à manger des petits trucs, on s’est bien amusés », reprend Micaela.

"Un mélange de générations"

La crise sanitaire n’est pas parvenue à gâcher la fête. Une fête historiquement populaire « avec un mélange de générations, aux lignes d’arrivée, sur le parcours, à la télévision, y compris des anciens qui redécouvrent notre pays », souligne Alain Claeys. L’ancien maire de Poitiers est l’un des instigateurs de cette étape poitevine tant attendue. « Cinq ans ! » mais « je suis très heureux pour Poitiers, et que ce soit aux Couronneries ». 

La caravane est passée, le peloton aussi et, à l’heure de la cérémonie protocolaire, la foule était encore massée face au podium. Alain Claeys, la maire de Poitiers Léonore Moncond’huy, la présidente de Grand Poitiers Florence Jardin ou encore le directeur de l’équipe féminine FDJ Futuroscope Nouvelle-Aquitaine Stephen Delcourt ont remis leur maillot aux vainqueurs. Au pied du podium, Covid-19 oblige, les coureurs ont disparu rapidement sur leurs vélos mais certains spectateurs ont eu la chance de  pourvoir les interpeler et d’échanger quelques mots. « Allez Benoît (ndlr, Cosnefroy, maillot à pois), jusqu’au bout ! »

 

Caleb Ewan sur la première marche à Poitiers
On s’attendait à une étape calme offerte aux sprinters. Mais très vite Matthieu Ladagnous s’est engagé dans une -longue- échappée en solitaire de 110km. Un moyen de montrer le maillot de Groupama-FDJ et peut-être aussi de faire plaisir à son directeur sportif Philippe Mauduit, dans son fief poitevin. Malheureusement, le peloton est revenu sur lui en arrivant dans la Vienne. Ensuite les choses sont allées très vite. A plus de 50km/h dans les rues de Poitiers, les équipes ont positionné leurs sprinters. Cette étape s’annonçait comme une revanche de l’explication de la veille remportée sur l’Ile de Ré par Sam Bennett. Finalement, au terme d’une longue ligne droite de 1,6km, son dauphin d’hier, Caleb Ewan, a signé son deuxième succès de l’année sur le Tour après Sisteron (le cinquième de sa carrière sur le Tour). Deuxième sur la photo finish, Peter Sagan a été déclassé par le jury des commissaires pour une attitude peu fair play face à Wout van Aert. Samuel Bennett a ainsi hérité de la deuxième place et a ainsi creusé son avance au classement du maillot vert, remis ce soir, par l’ancien maire de Poitiers, Alain Claeys. Primoz Roglic reste lui en jaune.

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