Dirigeants d’entreprise : « Vous n’êtes pas seuls »

Juge au tribunal de commerce de Poitiers, Martine Jammet préside désormais l’Apesa86, association dont le but est d’apporter un soutien psychologique aux chefs d’entreprise en difficulté dans cette période de crise qui ne fait que débuter.

Romain Mudrak

Le7.info

Quelles sont les origines de l’Apesa ?
« L’Apesa (Aide psychologique pour les entrepreneurs en souffrance aiguë) a vocation à aider les chefs d’entreprise en difficulté psychologique, rien d’autre. Il n’y a pas d’aide financière. On veut leur dire « vous n’êtes pas seuls ». Au niveau national, l’Apesa a été créée en 2013 par le greffier du tribunal de commerce de Saintes. D’autres ont vu le jour ailleurs. Dès 2018, nous avons commencé à en parler dans la Vienne, avant même la Covid. L’association est apparue officiellement en juin dernier sous l’impulsion du président du tribunal de commerce de Poitiers, Patrick de Lassée, car on a bien compris qu’avec cette nouvelle crise les chefs d’entreprise pourraient en avoir besoin. »

Quels sont les maux qui peuvent amener un dirigeant à la dépression ?
« La première raison, c’est l’idée d’être obligé d’aller au tribunal de commerce pour un problème financier. C’est stressant, on a peur de la décision. En France, on est forcément coupable d’avoir échoué. Le chef d’entreprise est à fond dans son activité. S’il perd tout, il fait face à un grand vide. Il se sent responsable des salariés. Souvent, les difficultés affectives et les ennuis de santé suivent. C’est aussi une question d’estime de soi. Sans oublier l’âge. Un jeune maçon retrouvera un job facilement, à 50 ans c’est plus dur. Il va se demander ce qu’il a fait de sa vie.»

Comment fonctionne le dispositif ?
« Aujourd’hui, l’association compte 35 sentinelles issues de différents milieux professionnels en contact avec des chefs d’entreprise. Les premiers sont malheureusement les juges du tribunal de commerce, mais nous avons aussi des mandataires judiciaires, des experts-comptables, des avocats, et d’autres membres de réseaux économiques. Tous ont été formés par un psychologue d’Apesa France à reconnaître les caractéristiques de la dépression. Les sentinelles vont ensuite transmettre les coordonnées de la personne identifiée, avec son accord, à la plateforme RMA de l’Apesa(*). Un psychologue la recontacte pour lui apporter des conseils ou l’orienter vers l’un des quinze psychologues de la Vienne qui nous accompagnent. Le bénéficiaire a le droit à cinq séances gratuites. Nous avons deux mots d’ordre : le volontariat et la confidentialité. »

Quels sont les premiers résultats ?
« Les sentinelles ont été contac- tées à deux reprises depuis juil- let par des chefs d’entreprise en difficulté. Nous avons discuté et, finalement, aucun n’a été reçu par un psychologue. J’ai monté cette association en espérant qu’elle ne marche pas. Mais le creux de la vague arrive, c’est maintenant que le dispositif risque d’être utile. »

(*) Les chefs d’entreprise peuvent aussi contacter directement la plateforme au 0 805 65 50 50 (numéro vert) ou par courriel à contact86@apesa-france.com.

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