Franck Leplanquais mouille le maillot

Franck Leplanquais. 57 ans. Directeur général du Critt Sports & Loisirs de Châtellerault. Cancre assumé dans ses jeunes années, devenu un adulte structuré et fourmillant d’idées. Futur président du Conseil de développement de Grand Châtellerault. Signe particulier : sans filtre.

Arnault Varanne

Le7.info

A quoi rêve-t-on quand on est fils de commerçants tourangeaux, fondu de judo et... dernier de cordée à l’école ? « A rien ! Croyez-moi, je n’avais pas les moyens de tirer des plans sur la comète. J’étais bien, je vivais dans le présent, benaise. » Franck Leplanquais ne tire aucune gloire de ses jeunes années au bahut, forcé de redoubler sa 
3e et sa 1re. « Élément gênant pour une classe, perd son temps et celui des autres. » L’appréciation de ses professeurs l’a marqué. Quarante ans plus tard, le bachelier F1 -« le seul qui m’était autorisé »- jette un coup d’œil dans le rétro avec l’assurance de ceux qui ont réussi socialement. Il dirige le Critt Sports & Loisirs(*) de Châtellerault, une structure à l’interface de la recherche et du sport, qui emploie plus de 
35 collaborateurs, planche sur un nouveau projet d’extension...

Sa grande silhouette ne passe jamais inaperçue à Châtellerault, même s’il a démarré l’aventure du Critt « dans un garage de l’IUT de Poitiers », aux côtés d’Alain Junqua. Franck Leplanquais et le scientifique se sont rencontrés en 1985, alors que le cancre venait de boucler un doctorat sur « les sportifs et leur environnement matériel de pratique ». « Papi Junqua » lui a alors asséné cette phrase douce-amère : « Vous êtes con mais je vous aime bien ». Les deux ne se sont (presque) plus jamais quittés. Après un quart de siècle à diriger le Critt, on pourrait croire le quinquagénaire un poil lassé. C’est tout le contraire. Le judoka, ceinture noir 5e dan, est plus combatif que jamais. A l’offensive, avec 10 000 idées à la seconde. « Au milieu du terme Critt, il y a le mot innovation. Tu ne peux pas te lasser... »

« Pourquoi attendre ? »

Le père de famille (Hugo, 22 ans, Tom, 20 ans, Lilou, 16 ans) fait partie de ces gens que la force de l’âge sublime. A 50 piges, il s’est mis au rugby -« ça pique un peu »-, a passé son niveau 4 de plongée sous-marine et son permis moto. Rien que ça ! « Des trucs qu’on dit qu’on fera dans une autre vie. Mais pourquoi attendre ? » Troisième ligne sur le pré, il ne crache jamais sur une bonne troisième mi-temps. « J’aime faire la fête, mais le jour où je n’arriverai plus à faire les deux, je garderai le rugby, l’hygiène de vie. Et puis, vous savez, un bon repas avec ma femme (Laurence, ndlr) et mes enfants, ça me va très bien aussi. » Le chef d’entreprise étanche en permanence sa soif de curiosité et d’action. « Je parle comme un vieux con, mais j’aime bien prendre les choses au sérieux sans me prendre au sérieux. »

A telle enseigne que le maire-président d’agglomération de Châtellerault lui a demandé de présider le Conseil de développement de l’agglo. Leplanquais, qui n’en est pas un, connaît toutes les boîtes des zones d’activités, celles qui souffrent et les autres qui innovent. Et il aimerait tant que les Châtelleraudais, « ces grands complexés », bombent le torse plutôt que de courber l’échine en permanence. Alors, au-delà d’investir ses deniers dans la pierre, il a décidé de rendre service à la collectivité, au bon sens du terme. Pas politique pour un sou, le Tourangeau est persuadé que « les villes à taille humaine ont un avenir ». Dans son emploi du temps millimétré, le patron du Critt va mettre le nez à la fenêtre, visiter des entreprises, chercher des bonnes pratiques ailleurs pour formuler « des suggestions aux élus ». En résumé, créer du lien. Advienne que pourra. Franck Leplanquais trace sa route avec son costume de fédérateur. Rien d’étonnant à ce que le Critt fonctionne un peu en mode startup. Les salariés bénéficient d’une certaine autonomie, organisent des sorties vélo, course à pied, peuvent accéder à une salle de musculation.... Le terreau de l’innovation est fertile, avec une transversalité assumée. Où l’on parle aussi d’écologie dans un monde du sport « absolument pas tourné vers cela. Un triathlète part dans l’eau avec sa belle combinaison en néoprène, son bonnet en plastoque. Il monte sur son vélo carbone avec ses godasses de Chine, son casque en polystyrène, sa gourde en plastique. Il enchaîne sur la course avec sa tenue en lycra. Il faut faire quelque chose », résume le patron de la structure. L’ancien GO du Club Med roule en voiture électrique. Il essaie de faire sa part, même si rien n’est jamais parfait.

Bon sens 
et fondamentaux

Fan de Stromae, Simple Mind ou de Blöw, « un groupe de Châtellerault », le rugbyman joue donc sa partition au sein d’un orchestre, pas en solo. A défaut de cohérence, il cherche « le bon sens » et prône un « retour aux fondamentaux ». D’où quelques saillies d’indignation, sur l’écologie, les contraintes sanitaires, le couvre-feu, les bagarres sanglantes entre ados... Et vous savez quoi, Franck Leplanquais mise beaucoup sur l’éducation. Le Critt a sorti récemment un cahier pédagogique destiné aux 4e-3e, pour comprendre « le saut du XXe siècle », en l’occurrence celui de Bob Beamon aux Jeux olympiques de 1968. De quoi se réconcilier définitivement avec l’école !

(*)Centre régional d’innovation
et de transfert de technologie.

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