Apprentissage : des primes face à la déprime

L’apprentissage a fait un bon significatif en 2020 malgré la crise sanitaire. Un succès dû à des primes exceptionnelles. Sauf que les entreprises ont mis des mois à les recevoir, mettant à mal des trésoreries déjà fragiles.

Romain Mudrak

Le7.info

On est passé à deux doigts de la catastrophe… Souvenez-vous, en juin 2020, tous les centres de formation d’apprentis de la Vienne déploraient un recul des inscriptions de l’ordre de 30 à 50%. Le nombre de jeunes motivés et d’employeurs intéressés était en chute libre, faute de perspectives économiques. Le premier confinement avait plongé tout le monde dans la perplexité la plus totale. Et puis il y a eu cette annonce : 5 000€ de prime pour l’embauche d’un apprenti de moins de 18 ans, 8 000€ s’il est majeur… De quoi financer sept à huit mois de salaire. Une aubaine. Du bâtiment au commerce en passant par l’industrie et les métiers de bouche, toutes les chambres consulaires et les organismes de formation ont sonné le rappel. Et l’effort a payé ! 

495 000 contrats d’apprentissage ont été signés en 2020, c’est 40% de plus que l’année précédente. Au CFA du bâtiment de Chantejeau, la progression s’est établie « entre 6 et 7% » pour atteindre 1 600 contrats, selon la secrétaire générale de BTP CFA Poitou-Charentes, Ghislaine Pinier-David. Il faut dire que les envies de rénovation nées pendant les longues journées passées à la maison ont dopé les carnets de commandes des PME. Idem dans l’artisanat(*) ou dans l’industrie. Seul bémol, l’hôtellerie, la restauration et plus largement les métiers du tourisme ont connu de plus grandes difficultés pour des raisons évidentes.

Sept mois pour recevoir la prime

Francis Dumasdelage se félicite de cet engouement. « On n’a jamais autant parlé d’apprentissage, souligne le président de la Fédération régionale de la formation professionnelle. Désormais monsieur et madame Tout le monde peuvent l’envisager pour leurs enfants sans que ce soit dévalorisé. » Mais comme souvent, le revers de la médaille est beaucoup moins clinquant. L’Etat a presque été victime du succès de sa mesure. Il y a eu comme un effet d’entonnoir au moment de verser ces primes. Des contrats signés en septembre n’ont été compensés qu’en février. De nombreux dirigeants d’entreprises ont dû piocher dans leur trésorerie déjà fragile pour rémunérer leurs apprentis, en attendant de voir le premier centime. « Aujourd’hui encore une soixantaine d’entreprises n’ont pas reçu la prime », relève la représentante des CFA. Le patron d’une société de services bien connue à Poitiers attend toujours les aides promises pour son apprenti en bachelor de marketing, sept mois après son arrivée. En cause, la réforme de la formation professionnelle qui oblige les Opérateurs de compétences (Opco) à valider tous les dossiers, mais surtout une Agence de services et de paiement (ASP) totalement dépassée par les événements. C’est elle qui est censée débloquer les fonds. A l’heure où l’Etat vient d’annoncer la reconduction de ces primes pour la rentrée 2021, les professionnels de la formation s’inquiètent. « 30% des contrats ne se seraient pas conclus sans ces aides, assure Francis Dumasdelage. Le risque, c’est que les petites entreprises ne renouvellent pas l’expérience. »

(*)La présidente de la Chambre des métiers et de l’artisanat, Karine Desroses, sera l’invitée de 7 à la Une, mardi midi, sur les réseaux sociaux du 7.

À lire aussi ...