La loi oublie les « mijeurs »

Dans le cadre de l’Aide sociale à l’enfance, les Départements ont l’obligation légale de prendre en charge les mineurs. La loi Taquet, qui vise à améliorer leurs conditions d’accueil, n’apporte toutefois pas de réponse à la situation des 
« mijeurs ».

Claire Brugier

Le7.info

L’agression mortelle d’un jeune confié aux services de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), dans un hôtel de Suresnes, en 2019, a révélé la réalité peu sécurisante de ce mode de placement. De ce fait divers a découlé un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales en novembre 2020, lequel a lui-même inspiré l’un des articles de la loi Taquet. Adopté le 25 janvier, le texte vise plus globalement à améliorer les conditions d’accueil des mineurs et jeunes majeurs confiés à l’ASE. Outre l’interdiction d’un placement en hôtel d’ici 2024, il comprend plusieurs volets qui trouvent déjà un écho dans le département. La Vienne n’est de fait pas la Seine-Saint-Denis.

« En 2015-2016, nous devions faire face à l’arrivée de 
500 jeunes étrangers par an, rappelle Rose-Marie Bertaud, vice-présidente en charge de l’Action sociale, de l’Enfance et de la Famille. Face à l’urgence, nous avons eu recours à un hôtel pour les héberger (ndlr, près de la gare de Poitiers). » Essentiellement des mineurs non accompagnés (MNA) ou « mijeurs », en attente de reconnaissance de leur minorité. Aujourd’hui, « l’hôtel est une variable d’ajustement, dans une logique temporaire d’un soir. Ce n’est pas une mesure de placement », distingue François Magniot, directeur du service Enfance Famille.

Le Département a également anticipé la fin des sorties « sèches » 
de l’ASE, inscrite dans la loi Taquet. « A partir de 18 ans, le Département n’a plus d’obligation légale mais il a la possibilité d’accompagner les jeunes via le Contrat jeune majeur, explique François Magniot. Ainsi, tous les jeunes mineurs que l’on accompagne, on les mène jusqu’au bout ! » Les jeunes étrangers isolés ne font pas exception. Ils constituent actuellement 150 des 250 jeunes majeurs suivis par le Département, qui a ouvert entre juin 2020 et juin 2021 soixante-douze places d’hébergement, surtout des locations avec baux glissants.

La minorité en question

Reste que, selon certaines 
associations, les moyens humains font défaut à un accompagnement à l’autonomie de qualité. De plus, pour les « mijeurs » se pose la question de l’évaluation de leur minorité. Thierry Grasset a accueilli deux jeunes étrangers isolés originaires de Guinée, le premier a été reconnu mineur, pas le second. « En attendant son évaluation de minorité, il avait commencé un CAP dans le bâtiment au CFA de Chantejeau, il avait trouvé un patron mais il a dû tout arrêter et a été l’objet d’une Obligation de quitter le territoire français (OQTF), raconte le bénévole de Min’de rien. En appel, le tribunal administratif a confirmé qu’il était bien mineur. Le problème était que le papier le certifiant avant été signé par son père… décédé à la date inscrite sur le document. Parce qu’en Guinée, on ne fait pas signer les femmes. Heureusement, son patron ne l’a pas lâché. » Des exemples de ce type, de jeunes étrangers bloqués dans leur dynamique de formation et d’intégration, l’association Min’de rien en a de nombreux. « Il y a un manque dans la prise en compte institutionnelle pendant la période où on ne sait pas encore dans quel dispositif intégrer le jeune », déplore Chantal Bernard. Qu’il soit, au final, déclaré mineur ou majeur. « Je suis maman et grand-mère. Même à 18 ans, ce sont des mômes ! », s’indigne une bénévole accueillante. 
Légalement, leur sort ne dépend plus de l’ASE mais des services de l’Etat.

Action sociale : 200 agents du Département manifestent à Poitiers
Ils travaillent pour la direction des affaires sociales, de l'enfance et famille ou de l'insertion et retour à l'emploi au sein du Département de la Vienne. Tous ont choisi de dénoncer un "mal-être au travail", un "manque de reconnaissance" notamment en matière de rémunération, un "dysfonctionnement des services", "l'insécurité dans l'exercice de leurs fonctions" ou encore "les désengagement des partenaires entraînant une surcharge de travail pour le service social"... Environ 200 agents du Département ont répondu présent à l'appel à la grève lancé lundi matin par la CGT et ont manifesté leur mécontentement en centre-ville de Poitiers. Une délégation a été reçue par Marie-Renée Desroses, vice-présidente en charge des ressources humaines, qui en réponse, a indiqué que 150 agents ayant bénéficié d'un reclassement statutaire ont vu leur salaire augmenté de 1 200€ brut par an en janvier 2022. Par ailleurs, la direction de l’action sociale a organisé "plusieurs séminaires dans les territoires pour permettre à l’ensemble des agents de faire des propositions pour améliorer le fonctionnement du service social à travers trois groupes de travail : Accueil, Aller vers et Participation." Un dispositif d'écoute psychologique va être mis en place : "Ce service confidentiel d’écoute et de soutien psychologique s’adresse à tous les agents de la collectivité sans aucune notion d’arrêt et sans limite d’utilisation." (crédit photo DR)

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