Ceintures noires du dépassement

Membres du GwanYong taekwondo Poitiers, Jérôme Lambert et Laurent Chamaillard ont reçu samedi leur ceinture noire Danbo en catégorie handi. Une première en France qui récompense la belle complicité entre les deux Poitevins et leur entraîneur, Rodrigo Lacattiva.

Arnault Varanne

Le7.info

Scène ordinaire mardi dernier, au dojo du complexe sportif de Lawson-Body. Une quinzaine de jeunes ados s’ébrouent sur le tatami et enchaînent les exercices. Au milieu de la joyeuse troupe, six combattants handi en fauteuil participent à la fête. Et soudain, d’une voix qui porte, l’entraîneur Rodrigo Lacattiva lâche ceci : 
« Jérôme, il va passer sa ceinture noire, ce n’est pas pour rien, il la mérite ! Je ne suis pas le Père Noël » Derrière son masque, le licencié du GwanYong taekwondo Poitiers sourit, heureux et fier du compliment. Depuis samedi, le taekwondoïste est ceinture noire du club (Danbo), comme son camarade de foyer de vie à Smarves, Laurent Chamaillard, 35 ans.

« Une vraie 
leçon de vie »

C’est une première en France. Le club poitevin a noué un partenariat avec la Fédération française de taekwondo et disciplines associées, la Fédération française de sport adapté et la Fédération française handisport pour définir un référentiel. « Des membres experts dans le handicap de différents clubs français ont travaillé ensemble afin de définir des critères d’évaluation spécifiques aux différents handicaps, explique le club. Après ce passage de grade (DanBo), le groupe travaillera sur l’évolution des grades adaptés. » Reste qu’il existe aujourd’hui « un vide dans les critères de notation en fonction des handicaps », reconnaît Francis Boutet, responsable de la com’ du club.

Qui sait, le grade attribué à Jérôme Lambert et Laurent Chamaillard fera peut-être bouger les lignes. Déjà, beaucoup de clubs veulent s’inspirer du GwanYong taekwondo Poitiers, qui a fait de l’inclusion une réalité depuis 2013. Sur les 150 adhérents, une dizaine de personnes en situation de handicap (autistes, malvoyants...) pratiquent ce qu’on appelle parfois l’escrime des pieds. « Moi, j’y suis venu il y a sept ans grâce à Rodrigo, commente Jérôme. J’ai fait du basket handisport, du tir à la l’arc, du tir à la carabine, un peu de karaté. Le taekwondo me fait du bien au corps et à la tête. Rodrigo, c’est plus qu’un coach, c’est comme un frère. » Souffrant d’un problème moteur depuis son enfance, le Poitevin a fait 
« des progrès incroyables. Le 
« do » de taekwondo, c’est le chemin, le parcours. Et Jérôme m’a donné une vraie leçon de vie », ajoute Francis Boutet, admiratif. 
« Il peut être fier de lui », abonde Rodrigo Lacattiva.

A le voir enchaîner les pompes et lever sa jambe pour atteindre une cible, il y a effectivement de quoi être admiratif. Pour Laurent, l’un des défis majeurs consistait à bouger sa jambe. Et il a fini par réussir. Cette double remise de ceinture noire Danbo est aussi un hommage à Thomas Lodeho, hélas disparu. Le 4e Open international de Poitiers en 2020 portait d’ailleurs son nom. Le premier licencié handisport du GwanYong a montré la voie aux autres, comme Vincent, décédé en 2021. « Je lui avais remis la ceinture noire sur son lit d’hôpital deux jours avant qu’il parte », conclut l’entraîneur argentin, déterminé à ce que le handicap ne soit pas un obstacle sur un tatami.

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