Carpenter Brut, le retour déchaîné

Carpenter Brut vient de sortir son deuxième album studio, Leather Terror, conçu comme une suite directe de Leather Teeth (2018). Dans ce disque massif, la tête pensante du groupe assume plus que jamais ses inspirations cinématographiques. Entretien.

Steve Henot

Le7.info

Votre premier album studio contait l’histoire de Bret Halford, humilié par l’équipe de foot de son lycée. Que raconte sa suite, Leather Terror ?

« L’histoire se déroule quatre ans plus tard. Bret est devenu une grande star du glam rock, mais il n’a pas oublié les humiliations subies et a toujours l’idée de se venger de ceux qui lui ont causé du tort. C’est un scénario que j’ai inventé dans le plus pur cliché des films d’horreur. Mes principales influences pour cette « trilogie » sont donc les slashers movies des années 80, ainsi que la musique glam rock et le heavy metal. Le nom de Bret Halford, c’est un hommage à Bret Michaels, du groupe Poison, et à Rob Halford, le chanteur de Judas Priest. Mon concept original, c’est de faire une fausse B.O. d’un faux slasher. »


Composer un disque autour d’un scénario, c’est une démarche peu commune dans le milieu des musiques actuelles…

« Pour composer, je dois avoir quelque chose à raconter, quelque chose qui m’aide à choisir l’ambiance, le type de son, le tempo. Sans cela, ce n’est pas très intéressant à mon avis. (…) Il y a beaucoup de chansons qui ne racontent pas d’histoire, elles sont juste là pour remplir un espace. J’essaie d’aller plus loin. Il doit y avoir une réaction chez l’auditeur. La façon la plus évidente d’y parvenir est d’avoir un sujet qui pourrait l’intéresser. Évidemment, ça ne marche pas sur tout le monde, mais je pense que ça aide à attirer les gens, même si c’est inconscient. »


Vous avez signé la bande-originale du film Blood Machines (2020). Avez-vous envie de renouveler l’expérience ?

« Oui, car je ne me vois pas continuer Carpenter Brut jusqu’à mes 80 ans. Composer pour des films, des séries ou même des jeux vidéo serait une continuité logique. Un peu comme le fait Trent Reznor, de Nine Inch Nails, par exemple. J’ai beaucoup aimé l’expérience sur Blood Machines. (…) J’ai déjà ce réflexe de réfléchir un album comme un film. J’ai écouté beaucoup de B.O. quand j’étais jeune, j’aime quand c’est épique. Il n’y a que peu de temps que je me sens plus à l’aise dans le format pop et que je commence à écrire des chansons « normales », mais avec toujours en tête ce côté musique de film malgré tout. » 


Il y a effectivement davantage de titres chantés dans cet album, avec de nombreuses collaborations vocales...
« Etant maintenant un peu plus connu, j’ai la possibilité de contacter plus d’artistes. Mais comme ça reste ma musique et que je compose la base musicale, je pense qu’avoir du chant ne dénature en rien le projet. Je sais qu’il y a pas mal de monde qui préfère mes morceaux instrumentaux, certains sont mêmes assez virulents à ce sujet... Comme si j’étais obligé de faire toujours le même morceau, toute ma carrière. C’est assez triste pour ces gens de ne pas évoluer mais tant pis pour eux, je continue à faire ce qu’il me plait et comme je le veux. Ce sont les plus gênés qui s’en vont ! »


Leather Terror semble aussi renouer avec un son plus violent… Un retour aux sources ?

« Je ne pense pas. Du moins, je ne compose plus comme il y a dix ans, je n’ai pas voulu renouer avec le style des débuts. Il faut aller de l’avant. Les morceaux actuels sont beaucoup plus « massifs » que les anciens, je m’en suis rendu compte en préparant le live. Je me suis amusé à essayer de coller un peu aux sons en vogue dans le metal en 1991, période dans laquelle se déroule l’histoire de Leather Terror. »


« L'ambiance live, le public, les émotions sur scène... Ca fait plaisir de bientôt les retrouver. »


Vous sentiez-vous attendu, quatre ans après le succès de votre premier album ?
« Je ne pense pas, non. Il y a tellement de musique et de groupes aujourd'hui qu’il faut rappeler régulièrement aux gens que tu existes. Tout le monde n’est pas The Weeknd ! (rire) Je dirais que la pandémie m’a permis de prendre mon temps pour écrire l’album. Tout était figé, pas de perspective sur une éventuelle reprise de concerts, donc il n’y avait qu’a écrire, composer, produire de la musique. Professionnellement parlant, j’ai kiffé cette période. »


Vous étiez l’artiste français le plus exporté en 2018 avec 77 dates. La tournée à venir sera-t-elle aussi dense ?

« Non, j’ai tout de suite prévenu le tourneur que je ne voulais pas tourner autant. On va faire très peu de dates en France mais dans de grandes salles. La tournée va durer un an et demi mais avec pas mal de pauses. Je n’ai plus 20 ans, malheureusement. Je repars avec mes deux compères Adrien (Grousset, le guitariste du groupe) et Flo (Florent Marcadet, le batteur). On se connaît depuis si longtemps que je n’ai même pas imaginé choisir d’autres musiciens un seul instant. Sur scène, on retrouvera nos fameuses lumières qui font vomir (rire), et puis des écrans Led pour projeter des créations de Dehn Sora et Polygon1993, deux artistes parisiens qui remplaceront les montages de films d’horreur que j’utilisais jusque-là. Je t’avoue que je suis quelqu’un de casanier, j’aime être chez moi, dans mon home studio à bidouiller mes sons, à chercher du nouveau matériel, etc. Être en tournée, cela veut dire que tu changes de ville, parfois de pays, tous les jours donc cela génère pas mal de stress et aussi de fatigue... De ce point de vue-là, les tournées ne m’ont pas manqué à proprement parler. Mais l’ambiance live, le public, les émotions sur scène, ça fait plaisir de les retrouver. »


Avez-vous déjà la conclusion de cette trilogie Leather en tête ?
« Oui, tout est déjà préparé dans les grandes lignes, l’histoire comme la musique. Musicalement, je sais plus ou moins quelle direction je vais prendre. Il y aura surement quelques touches rock prog 70, et d’autres plus punk. Mais je verrai si j’en suis capable quand je me remettrai à composer ! »


Leather Terror (12 titres) 
de Carpenter Brut - 
No Quarter Prod/Virgin Records.

DR - Førtifem

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