Bernadette Collas, la danse à corps perdu

Bernadette Collas. Petit bout de femme de 63 ans, fraîchement retraitée. Originaire de Poitiers, elle a enseigné la danse classique dans son école, à Biard, pendant plus de quarante ans. Certains de ses élèves sont aujourd’hui des danseurs confirmés. Ne se projette pas sur l’après. Signe particulier : mue par une insatiable bougeotte.

Steve Henot

Le7.info

Elle attendait ce moment, apaisée. Avec tout de même une pointe d’excitation. Le week-end dernier, au centre d’animation de Beaulieu, à Poitiers, Bernadette Collas a présenté le dernier gala de son école de danse classique, la « J3B », mettant fin à plus de quarante ans d’enseignement. Sur place ou à distance, ses élèves -actuels et anciens- ont saisi l’occasion pour lui témoigner une dernière fois leur gratitude. « Mademoiselle m’a fait découvrir la méthode, la rigueur et le sérieux que cet art requiert, salue Raphaël Chabrun, aujourd’hui à la Vaganova Ballet Academy de Saint-Petersbourg. Je lui en suis infiniment reconnaissant. »


La désormais ex-professeure de 63 ans redoute la séparation avec ses élèves. Mais après deux saisons compliquées par la pandémie de Covid-19, elle a préféré arrêter plus tôt que prévu. « J’avais encore trois années à faire, mais je ne voulais pas faire celle de trop, confie-t-elle. En janvier, ma décision était prise. » Bernadette Collas ne voulait pas non plus attendre de partir aigrie. « La discipline se perd, le sens artistique aussi, observe-t-elle. J’ai eu des pestes, mais c’est la faute des parents qui les prennent pour des étoiles. Je n’arrive pas à le comprendre, je n’ai pas eu cette éducation-là… »


Dévouée à son art

La Poitevine se souvient avoir vécu une « enfance merveilleuse » auprès de « parents très simples, qui ne roulaient pas sur l’or », elle secrétaire et lui commerçant. Elle a vécu toute sa vie au 53, rue Nungesser à Biard, là où elle a installé son école de danse en 1979, avec le soutien de son père. C’est dans cette bâtisse, érigée à l’abri de la maison familiale, qu’elle a formé des générations de danseuses et de danseurs classiques. « Je ne voulais pourtant pas enseigner à 18 ans », se rappelle Bernadette Collas. Elle, rêvait plutôt d’intégrer un ballet. Mais les remarques répétées des jurés sur sa taille -1,50 m- ont eu raison de ses espoirs. Cruel verdict. 
« Elles m’ont beaucoup froissée, on finit alors par ne plus vouloir passer d’auditions… Mais j’ai eu mon bonheur autrement. »


Célibataire sans enfant, Bernadette Collas s’est consacrée tout entière à son art. A corps perdu. « J’admire le fait qu’elle ait dédié sa vie à la danse classique, elle m’a apporté aussi ce goût du dévouement », note Raphaël Chabrun. 
Depuis ses premières pointes à l’âge de 5 ans -sur les conseils du médecin de famille, qui désespérait de la voir grandir-, Bernadette Collas s’est passionnée avec appétit pour la musique et les grands ballets. Un éveil qu’elle doit à son « maître », Jacqueline Claass, grâce à qui elle est montée à Paris, à 
16 ans, pour se perfectionner auprès de prestigieux professeurs, Claire Motte, Cyril Atanasoff, Liane Daydee, entre autres. La scène a toujours été son terrain, son moteur. Enfant, elle allait régulièrement danser dans des arbres de Noël, auxquels était convié son père musicien amateur. « Les spectacles, c’était la carotte quand on était petit, se remémore-t-elle, avec malice. La scène doit être indispensable pour un élève. »


Une retraite 
loin de Poitiers

Ses élèves l’ont comblée toutes ces années. Il y a bien entendu ceux qui ont persévéré, qui sont allés au bout de leurs rêves comme Raphaël, Clément Guillaume ou encore Cyrielle Jost. 
« Un grand moment de plaisir. Et ils ne m’oublient pas ! », sourit Bernadette Collas, sous ses fines lunettes. Mais la professionnalisation de ses ouailles n’a jamais été un but en soi. « Je voulais avant tout des passionnés », 
assure l’ex-enseignante, citant cet élève âgé de 64 ans, « qui a fait de la danse toute sa vie ». Ces derniers mois, elle donne aussi de son affection à Caramel, un pincher nain de 5 ans qu’elle a recueilli. A son contact, elle découvre un amour nouveau, puissant. « Je ne pensais pas que je pouvais m’attacher autant à un animal », laisse-t-elle échapper, émue, dans un irrépressible fou rire.


Son « pot de colle » à quatre pattes l’accompagnera à coup sûr dans ses futures aventures. La jeune retraitée a mis en vente sa maison et son école, en espérant qu’émerge un autre projet autour de la danse… des danses. En attendant, elle part rejoindre son frère dans les Landes, loin de Poitiers, cette ville natale où elle ne s’est jamais vraiment sentie à sa place. « La montagne et la mer m’ont toujours manqué… », suggère-t-elle. Les paysages du sud de la France, qui ont longtemps illuminé les vacances de la famille Collas, sont restés fortement ancrés en elle. Aimant 
« avoir du monde autour [d’elle] », Bernadette ne regrettera que ses amitiés poitevines et le centre d’animation de Beaulieu, « le théâtre de toute (sa) vie » où elle organisait ses galas de fin d’année. Une seule certitude sur son avenir : il sera animé, vivant. « Mon papa bougeait beaucoup, aimait l’aventure. Il a déteint sur moi, estime-t-elle. C’est sûr, je ne resterai pas à rien faire. »

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