Sans filtre et sans répit

Quand une croisière tourne au naufrage pour ses très riches occupants, c’est Ruben Östlund qui jubile. Moins le spectateur. Le réalisateur suédois livre avec Sans filtre une satire sociale certes bien ficelée, mais dont la profonde misanthropie suscite au final un certain rejet.

Steve Henot

Le7.info

Mettez des ultra-riches dans un yacht de luxe, Ruben Östlund à la barre, et vous avez là un cocktail hautement explosif. Comme en 2017 avec The Square, le cinéaste suédois a secoué le festival de Cannes cette année et remporté une deuxième Palme d’or avec son dernier film, Sans filtre (Triangle of Madness). Et c’est peu dire que le jury aime être malmené…

Après s’être attaqué avec mordant au monde de l’art, le réalisateur s’en prend cette fois à la mode, aux influenceurs et à tous ces vieux magnats qui ont fait fortune au mépris de la morale. Son regard acéré n’épargne personne dans cette comédie caustique, où il prend un malin plaisir à faire payer -cher- à cette bourgeoisie contemporaine sa vanité. Avec une nouvelle séquence particulièrement houleuse pour point culminant, qui devrait encore provoquer quelques haut-le-cœur. De la longueur du film au traitement infligé aux clients du yacht, tout est fait pour installer la gêne, un profond malaise. Mais cette machine à provocations tourne rapidement à vide. En bon misanthrope, Östlund n’a que trop peu d’égard pour ses personnages qui, pour la plupart, n’existent que pour illustrer son propos sur les rapports de domination sociale. Toute valeur (richesse, compétence) ne peut, selon lui, que conduire à dominer puisque les hommes -et les femmes- ont par nature soif de pouvoir. Si bien qu’on ne s’amuse jamais vraiment sur cette croisière cauchemardesque. Dommage.

Comédie de Ruben Östlund, avec Harris Dickinson, Charlbi Dean, Woody Harrelson (2h22)

DR

À lire aussi ...