Engagés tout simplement

Avec Les Engagés, son premier long-métrage, l’écrivaine et scénariste Emilie Frèche s’empare de la thématique de l’accueil des migrants avec une simplicité et un réalisme troublants.

Claire Brugier

Le7.info

« Qu’est-ce que c’est beau la France, quand même… » David est là, collé à une paroi rocheuse aride, balayant le paysage à couper le souffle des Hautes-Alpes. Les sorties escalade entre copains, les randos en famille qui terminent en bataille de boules de neige, le kiné n’a jamais vu que ça de la montagne. « C’est sûr, vu d’ici, c’est beau », lâche son compagnon de cordée. David n’entend pas le non-dit. Et puis un jour il renverse un jeune migrant, Joko, et sa vie bascule. La montagne se révèle soudain moins lumineuse, moins accueillante, moins rassérénante.

Avec Les Engagés, l’écrivaine et scénariste Emilie Frèche signe un premier long-métrage à son image, militante. Sans excès, avec peu de mots et beaucoup de regards, elle décrit un système complexe où l’empathie et la bonne volonté ne suffisent pas. Le spectateur sait dès les premières images où son combat pour les migrants va mener David, passible du « délit de solidarité ». L’essentiel réside dans le parcours de cet homme qui tombe à cœur perdu dans une réalité qu’il n’avait pas vue, ou voulu voir. L’acteur poitevin Benjamin Lavernhe incarne avec justesse ce personnage de doux naïf que la colère et l’indignation envahissent brusquement, pour le malheur de sa compagne Gabrielle, Julia Piaton, mère-louve tout en émotion.

La caméra, pudique mais efficace, filme avec simplicité une réalité qui se passe de mots, se concentrant à travers de nombreux plans rapprochés sur les humains, leur visage, leur nuque, leurs mains. A la façon d’un documentaire, Emilie Frèche suit David mais n’en oublie pas les autres protagonistes de cette histoire infinie où se mêlent les migrants, les bénévoles des associations qui leur viennent en aide, les gendarmes, les enfants. Tous sont embarqués dans une réalité qui les dépasse et sur laquelle plane la violence des identitaires.

Inspiré de l’histoire vraie des « Sept de Briançon », en 2018, Les Engagés est un film peu bavard, mais il en dit long sur notre société et résonne longtemps après le générique de fin.

Drame d’Emilie Frèche, avec Benjamin Lavernhe (de la Comédie française), Youssouf Gueye, Julia Piaton, Catherine Hiegel (1h38).

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