Gestion de l'eau - Les irrigants contre-attaquent

Stop à « l’éco-sabotage » ! Après la dégradation d’une réserve de substitution aux Roches-Prémarie, quatre organisations représentatives des producteurs de fruits et légumes ont déposé plainte à Poitiers contre le député écologiste Julien Bayou. Tout un symbole.

Romain Mudrak

Le7.info

Vincent Baille-Barelle est dépité. Pour la deuxième fois en deux ans, la réserve de substitution à laquelle cet arboriculteur est raccordé aux Roches-Prémarie a été détériorée le 8 novembre dernier. Et la facture s’annonce douloureuse. « 16 000€ pour la mettre en sécurité et au moins 20 000€ dans un second temps pour la réparer », indique l’intéressé qui, pas plus que les autres irrigants connectés, n’avait souscrit d’assurance. La première intrusion sur sa propriété a causé 
25 000€ de dégâts. Et personne n’a été interpellé pour ces faits. Le désarroi est d’autant plus fort pour ce producteur de pommes et de poires qu’il estime ses cultures à « 100% éco-responsables » : « L’eau est indispensable à notre activité, j’ai mis en place tous les outils pour bien l’utiliser, je remplis toutes les obligations, privilégie les circuits courts et la main-d’œuvre locale. »

Dans toute la France, les tensions s’accentuent autour des réserves de substitution. Les irrigants sont accusés par les écologistes de s’accaparer les ressources en eau. De quoi renforcer un peu plus encore la tendance à l’agribashing. La semaine dernière, plusieurs représentants nationaux de la profession sont venus soutenir leur collègue. « Je voudrais dire deux mots : juste stop, clame Jean-Michel Delannoy, président de la Fédération représentative des coopératives (Felcoop, 15 000 agriculteurs, 3Md€ de chiffre d’affaires). C’est inadmissible que ces biens réalisés après des années d’études préalables soient dégradés. Il faut que la justice s’occupe particulièrement des auteurs. » 
Message bien reçu par le ministre qui a publié une circulaire en ce sens (lire ci-dessous).

Julien Bayou 
dans le collimateur

Mais la lutte contre « l’éco-sabotage » ne s’arrête pas là. La semaine dernière, la Felcoop et trois autres organisations représentatives(*) ont également déposé auprès du procureur de la République de Poitiers une plainte contre le député EELV Julien Bayou, pour « provocation suivie ou non d’effet à commettre un délit », une infraction réprimée par la loi sur la liberté de la presse de 1881. Selon les requérants, cette 
« personnalité de premier plan » 
a « explicitement encouragé les actes de destruction contre les réserves d’eau agricoles et assuré qu’il soutiendrait devant les tribunaux toute personne commettant de tels actes ». Ceci au cours d’une interview sur BFMTV le 23 août 2022. Toujours selon les plaignants, les rassemblements de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), les 29 et 30 octobre derniers, seraient la conséquence de ces propos. Idem pour les dégradations subies par le producteur des Roches-Prémarie. « L’eau est un bien commun et la désobéissance civile non-violente un dernier recours, a répondu Julien Bayou sur Twitter. Les procédures «bâillon» ne feront pas taire un écologiste. » On ne sait pas encore si le procureur engagera des poursuites. Mais derrière cette plainte symbolique se cache aussi un autre débat sur l’autonomie alimentaire, alors que 50% des fruits et légumes consommés en France sont aujourd’hui importés.

(*)L’Association nationale Pommes Poires, la Fédération nationale des producteurs de fruits et l’Association d’organisations de producteurs « Tomates et Concombres de France ».

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