Petit flicage en famille

Les parents inquiets vont bientôt savoir si leur rejeton consomme. Des tests “à domicile” de dépistage du cannabis sont prêts à investir le marché pharmaceutique.

Nicolas Boursier

Le7.info

C’est vrai, j’ai eu des doutes, mais je les ai évacués par le dialogue.” Entre Stéphane et son ado de fils, le fil de la discussion est longtemps resté ténu. Jusqu’à la crainte de la rupture. L’attitude du gamin, ses états lunaires, ses non-dits faisaient redouter le pire à ce Montamiséen de 44 ans, ancien petit “shitomane” repenti et père “pas assez attentif.” Alors oui, bien sûr, l’idée que son gamin ait pu emprunter des chemins de traverse pour combattre ses phobies et prendre du plaisir l’a effleuré. Ouvrir la plaie fut finalement une libération.

“Discuter pour convaincre n’a pas été chose facile, mais on y est arrivés. Mon fils m’a avoué avoir touché à deux ou trois pétards, pour faire comme les autres. La confiance a été notre guide et elle me semble renforcée aujourd’hui.” Le bonhomme n’a pas la prétention de détenir la vérité. Mais pour lui, le pataquès fait autour des nouveaux tests de dépistage de cannabis attise plus la controverse qu’il ne propose de solution. D’ici quelques semaine s, ces produits, capables non seulement de révéler la présence dans les urines de THC, substance active du cannabis, mais également le degré d’addiction de l’usager, seront en vente libre dans les officines.

L’ère de la suspicion

Stéphane a du mal à saisir. “On fait tous des erreurs, moi-même je les ai commises plus jeune, mais on ne peut éternellement porter le fardeau de la culpabilisation. Et encore moins se transformer en cerbères quand on prétend aimer ses enfants. Jamais il ne me serait personnellement venu à l’esprit d’obliger mon fils à aller pisser dans un flacon pour prouver sa bonne foi.” Le principe de “précaution active” sur lequel repose, paraît-il, la commercialisation des futurs tests “à domicile” suffira-t-il à dissuader nos ados de s’offrir l’interdit ?

Les professionnels eux-mêmes grimacent. “C’est la porte ouverte à tous les conflits, se lamente Denis Richard, chef de service de la pharmacie centrale du centre hospitalier Henri-Laborit, spécialiste des drogues et des dépendances. Ces tests sont certes très très fiables, mais ils ne résoudront rien. Le seul fait de demander à un ado de se prêter à un examen, c’est mettre en doute sa probité. La suspicion est le pire ennemi des relations harmonieuses.

La prise de substances illicites résulte majoritairement d’un sentiment de malêtre chez l’ado. Denis Richard l’affirme, “ce n’est pas en fliquant son enfant qu’on va l’affranchir de ses maux, bien au contraire.” Et puis, s’interroge le pharmacien, quelle sera la conduite des parents, une fois le pot-aux-roses révélé ? “Si l’adolescent consent à effectuer le test, ce qui n’est déjà pas gagné d’avance, cela peut-être considéré comme un appel au secours. C’est là que le rôle de la famille est essentiel. Savoir ouvrir un dialogue qui n’a jamais pu s’établir ou en rouvrir un nouveau, voilà le coeur du débat.” Découvrir que son garçon ou sa fille consomme du cannabis n’est donc pas une fin en soi. Encore faut-il que cette “mise au pied du mur” jette les bases d’une “reconstruction” patiente et attentive.

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