Le Règne animal en immersion

Fantastique ? Pas sûr car Le Règne animal défie les lois du genre. D’anticipation alors ? Dans ce film troublant de réalisme et de réussite, Thomas Cailley plonge le spectateur dans un monde connu où un virus métamorphose les humains en animaux.

Claire Brugier

Le7.info

Un homme moitié oiseau qui s’échappe avec fracas d’une ambulance, des infirmiers qui partent à sa poursuite, des automobilistes pris dans un embouteillage, effrayés mais pas surpris… La scène d’ouverture du Règne animal semble tout droit sortie d’un film fantastique. Elle l’est, si tant est que le deuxième long-métrage de Thomas Cailley soit un film fantastique. Tout y a l’air si étrangement réel, y compris ces humains qu’un virus inconnu transforme en mammifère, en oiseau ou en insecte. Après tout, la nature reprenant ses droits, pourquoi l’humanité ne connaîtrait-elle pas une mutation qui la rendrait au règne animal auquel elle n’a jamais cessé d’appartenir ?

Dans ce monde d’après, troublant de réalisme grâce à des effets spéciaux particulièrement réussis, le chien est toujours le meilleur ami de l’homme, la voix du supermarché reste imperturbable, les relations entre François et Emile sont celles d’un père avec son fils, adolescent en mutation. Seule différence : eux sont confrontés à la métamorphose de Lana, leur épouse et mère. Pour elle, à cause d’elle ou grâce à elle, ils vont créer des liens à la fois uniques et universels. Romain Duris en paternel protecteur et Paul Kircher, gauche et émouvant, sont remarquables -mention spéciale aussi à Albert, le berger australien-, et  Adèle Exarchopoulos, sous son uniforme de gendarme pragmatique et sensible, apporte une discrète touche de féminité.

Evidemment la présence d’un pangolin ou l’évocation d’un état d’urgence redouté font écho, de manière fortuite, à des faits ayant existé. Mais Thomas Cailley distille ses messages avec finesse, laissant chacun libre de s’interroger sur son rapport au monde, à la nature, à la différence, à la liberté, aux autres…

Le film est peu bavard, la musique rare, la photographie incroyablement immersive invite le regard du spectateur à glisser de sa hauteur d’humain à celle de ces êtres étranges -étrangers ?-, exclus voire traqués. Là encore, toute ressemblance avec une société existant serait fortuite…

Drame, aventure, fantastique, de Thomas Cailley, avec Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos (2h08).

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