Les matériaux victimes collatérales

Depuis près de deux ans, le ralentissement de l’activité pèse sur le marché des matériaux de construction. Aujourd’hui, les différents facteurs de la crise laissent présager une année 2024 difficile pour les professionnels.

Charlotte Cresson

Le7.info

Le sujet semble aujourd’hui tabou. Difficile d’obtenir un entretien avec les acteurs de la distribution. Et cela peut se comprendre. Impacté depuis près de deux ans par la guerre en Ukraine, le marché des matériaux est aujourd’hui étroitement lié à la crise du logement. « On vient de vivre trois années exceptionnelles avec des marges importantes mais le coup de frein dans la construction des logements individuels nous met en difficulté », s’inquiète un acteur du secteur. La hausse des taux, l’inflation et le peu de crédits accordés aux acheteurs contribuent à la fragilité du marché. Les permis de construire connaissent une chute vertigineuse et les carnets de commandes se vident pour les professionnels. « Le marché des matériaux fait partie des dommages collatéraux du recul du logement. Les terrains ne se vendent plus. Aujourd’hui, dans la périphérie de Poitiers par exemple, il n’y en a plus. » La Vienne fait en effet face à un recul de 32,4% de déclarations d’ouverture de chantier pour des logements neufs au cours de ces douze derniers mois et -40,1% pour les locaux non résidentiels. A contrario, « les prix des matériaux sont sur une fourchette haute stabilisée. Le prix du bois notamment a baissé mais devrait augmenter à nouveau de 6 à 12% en mars-avril ». Côté production, la dynamique est à la baisse et la hausse des prix à venir « risque de créer des pénuries ». Par exemple, la fabrication de granulats dans la Vienne a connu une baisse de 9,2% sur 12 mois. Le béton prêt à l’emploi caracole en tête avec une hausse des coûts de 16,4% sur 12 mois, tandis que le PVC connaît une baisse significative de 29,3%. Globalement, les prix qui avaient explosé courant 2022 tendent à se stabiliser dans une fourchette haute.


« Une réelle inquiétude »

« On va avoir une année très difficile. Il y a une réelle inquiétude aujourd’hui, beaucoup d’artisans que nous avons comme clients sont contraints de liquider leur entreprise. On aimerait que le gouvernement fasse quelque chose pour les maisons individuelles, en péril », 
se désespère le spécialiste de la vente de matériaux de construction, pas vraiment convaincu par le plan d’attaque pour le logement exposé par Gabriel Attal le 30 janvier dernier. Afin de répondre aux nouvelles exigences écologiques du gouvernement, les professionnels s’adaptent. 
« On est en train d’évoluer vers des normes environnementales mais ce ne sera pas pour demain. Aujourd’hui, seule une niche de clients veut des matériaux biosourcés comme la laine de bois, le chanvre ou le coton, mais ça reste cher. »
 Selon une étude réalisée par l’Association française des industries des produits de construction (AIMCC), fin janvier 2024, 86% des professionnels interrogés ont connu une baisse d’activité en 2023 et 73% s’attendent à une baisse en 2024.

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