Ce n’est plus une « mode » ni un phénomène marginal : l’usage détourné du protoxyde d’azote s’impose comme un véritable enjeu de santé publique. Sa consommation augmente, l’âge des consommateurs moyens baisse et les risques associés se multiplient.

Pierre Bujeau

Le7.info

« Premium Cream Charger », 
littéralement « chargeur de crème ». C’est ce que l’on peut lire sur ces bonbonnes de protoxyde d’azote qui jonchent les abords de la Pépinière, mais aussi des écoles, explique Charly Fradin. « Et ça s’est accéléré ces derniers mois », selon le responsable des services techniques de Buxerolles. En quatre mois, quatre-vingt-six 
« recharges » détournées de leur usage initial ont été ramassées dans la commune. Une situation qui a poussé le maire à prendre un arrêté interdisant la détention des cartouches jusqu’à fin 2026(*). Derrière leurs couleurs criardes, leurs arômes bien ciblés- « tequila pomme », « cola », « Hawaï »- 
et un marketing aguicheur, ces bonbonnes vendues en ligne et cartouches conçues pour les siphons à chantilly sont devenues, en quelques années, un nouvel exutoire. « Au-delà de l’effet hilarant, l’inhalation provoque une sensation de flottement, de bien-être, très recherchée par une jeunesse dont la santé mentale se dégrade », 
explique Claudia Chauvet, psychiatre et addictologue au centre hospitalier Henri-Laborit. Cet effet de dissociation, sa rapidité -une euphorie soudaine- et sa brièveté -quelques minutes seulement- séduisent une population de plus en plus jeune. « Le phénomène ne touche plus uniquement les soirées d’écoles de commerce ou d’université :
il gagne aussi les lycéens, voire les collégiens », constate Florent Gaillard, directeur du collectif Ekinox, engagé dans la réduction des risques en milieux festifs. À cela s’ajoute une facilité d’accès déconcertante… Sur Internet, une cartouche de 666g peut s’acheter 18€, sans le moindre contrôle d’âge.


Des rires et dérives

Dès la première inhalation, souvent réalisée à l’aide de ballons de baudruche, les effets peuvent être néfastes : perte d’équilibre, brûlure par le froid, asphyxie. Et à long terme irréversibles… Des atteintes neurologiques et neuromusculaires se manifestant par des pertes de sensibilité voire des troubles psychiatriques. A Poitiers, selon nos informations, un jeune homme de 19 ans a perdu l’usage de ses jambes pendant plusieurs mois à la suite d’une thrombose (formation d'un caillot dans une veine obstruant la circulation du sang) provoquée par une consommation récréative et répétée de protoxyde d’azote. Sans compter les comportements à risques engendrés. « On observe des attitudes violentes, des agressions verbales et même sexuelles liées à l’état de dissociation », note le Dr Chauvet. Au volant, le danger est réel. Le phénomène a pris une telle ampleur que Vinci Autoroutes a lancé des campagnes de sensibilisation face au nombre croissant de capsules ramassées le long des axes routiers. Selon une étude menée par la fondation du groupe, un jeune de moins de 35 ans sur dix déclare avoir déjà consommé du protoxyde d’azote lors d’une soirée entre amis. Parmi eux, un sur deux admet en avoir pris en conduisant.


(*)Gérald Blanchard soumettra une délibération au conseil municipal du 8 décembre, prévoyant une amende de 1 000€ pour tout consommateur se débarrassant d’une bonbonne sur la voie publique.

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