Jérôme Gerbeaux a bénéficié d’une greffe de moelle osseuse en 2017, après qu’on lui a découvert une leucémie. Huit ans et quelques épreuves plus tard, l’ancien pompier remercie encore « les veilleurs de vie ». Récit.
En chambre stérile
Janvier 2017. Jérôme Gerbeaux se sent fatigué avec beaucoup de douleurs dorsales en prime. Son médecin l’envoie faire une prise de sang, reçoit les résultats et... « Et il m’a aussitôt appelé pour me dire qu’on m’attendait au Pôle régional de cancérologie, au CHU de Poitiers. Il a très vite parlé de leucémie »,
se remémore l'ex-pompier professionnel. Le 31 janvier, le diagnostic définitif tombe :
leucémie aiguë myéloblastique. Deux jours plus tard, il se retrouve hospitalisé en chambre stérile. « Au départ, j’ai été traité par chimiothérapie avec une induction et deux consolidations, soit trois cycles qui durent environ un mois et demi. Après, les médecins m’ont dit qu’il faudrait une greffe de moelle osseuse. Je débarquais, c’était un sujet qui m’était complètement étranger... »
Le miracle du don
Fin juin 2017, une bonne nouvelle arrive en provenance d’Allemagne, où 10 millions de personnes sont inscrites sur les registres du don de moelle osseuse. « Dans nos gènes, sous le chromosome 6, il y a ce qu’on appelle le HLA (Human Leukocyte Antigen), qui permet aux cellules de se reconnaître entre elles.
Pour qu'une greffe de moelle osseuse fonctionne bien, il faut que la compatibilité soit parfaite... » Ce qui fut le cas avec le greffon d’une jeune étudiante allemande de 20 ans. L’opération s’apparente à « une grosse chimio où l’on détruit toutes les anciennes cellules souches ». Le patient est maintenu en vie grâce à des transfusions de sang, en attendant la transplantation. Une heure pour une vie, même si
« le temps que le greffon s’installe et détruise vos dernières cellules souches, c’est un peu compliqué ». Compliqué et
« douloureux », malgré les traitements de cortisone. Et encore, Jérôme Gerbeaux estime qu’il a « eu de la chance ». En effet, la réaction du greffon contre l'hôte (GVH) s’est faite plus tard, en septembre 2017. « Ce qui est assez particulier dans la greffe de moelle, c’est qu’une fois que le greffon a pris sa place, on garde le sang du donneur. Si je me blesse et qu’on fait une analyse ADN, on retrouvera celui de la jeune donneuse. »
La vie d’après
« J’avais laissé mon bureau en plan au Sdis le 31 janvier 2017 et je suis revenu le ranger... beaucoup plus tard ! J’avais
57 ans, j’aurais eu l’âge de prendre ma retraite. Mais je ne voulais pas que ce soit la maladie qui décide de ma fin de carrière. »
Le directeur adjoint des pompiers de la Vienne a donc repris le chemin du bureau fin 2018. Jusqu’à ce que le Covid ne débarque dans l’Hexagone.
« Quand vous êtes immunodéprimé, il faut faire beaucoup plus attention », ajoute-t-il. Le père de trois enfants apprécie d’autant plus les moments en famille.
« Lorsque je suis parti en vacances dans le Massif central avec mon épouse, l'année d'après ma greffe, je me suis dit que c’était quand même sympa d’être là
« en deuxième semaine » ! » L’habitant d’Availles-en-Châtellerault a depuis connu d’autres pépins de santé, mais il veut retenir que « la vie l’emporte ».
« Je me suis mis en mode guerrier et je le suis toujours. Je me dis qu’à chaque problème il y a une solution. »
Ambassadeur du don
Adhérent à France Adot 86, Jérôme Gerbeaux sillonne désormais la Vienne pour sensibiliser les jeunes à la nécessité de s’inscrire sur les registres du don de moelle osseuse -gérés par l’Agence de biomédecine- et ainsi devenir des veilleurs de vie.
« On peut s’inscrire entre 18 et 35 ans mais être donneur jusqu’à 60 ans. » Ce qui maximise les chances d’être compatible à 100% avec un malade quelque part dans le monde. Un autre élément rebute les Français
(400 000 inscrits) : l’intervention. Le prélèvement sanguin ou aphérèse (80% des cas), se déroule pendant environ trois à quatre heures. La ponction dans les os postérieurs du bassin se révèle plus invasive et fait effraie souvent.
L’anecdote
Sous le sceau de l’anonymat, Jérôme Gerbeaux a déjà échangé deux fois avec sa veilleuse de vie allemande, « pour la remercier »
de son geste. Et il compte lui adresser un troisième courrier prochainement, même si
« elle est passée à autre chose ».
« Pour lui dire que je suis toujours là, que ce qu’elle m’a donné, c’est du solide. On est liés à vie ! »