L’as de cœur

Adrien Guyon, 31 ans. Ancien joueur professionnel de poker reconverti dans le coaching. Ce pensionnaire du Poitiers poker club s’est adjugé récemment le 2 Million Week, un tournoi majeur en ligne, face à 45 000 adversaires. Signe particulier : ce fin psychologue prend beaucoup de recul sur son activité.

Romain Mudrak

Le7.info

Il vient de vivre la plus belle semaine de sa carrière dans le poker. Mi-février, Adrien Guyon a multiplié les victoires sur des petits challenges en ligne. Montant moyen des gains : autour de 4 000€. Et puis est arrivé le 2 Million Week, l’un des tournois majeurs en Europe. 45 000 participants et un seul gagnant ! « L’expérience m’a montré qu’il ne fallait pas s’arrêter quand on enchaîne les perfs. La confiance est très importante dans ce jeu. » Résultat, au terme de trois jours de rencontres virtuelles devant son ordinateur, « Tomate Mozzaa » s’est imposé et a empoché près de 137 000€. La consécration. Plus question de maîtriser ses émotions comme savent le faire tous les grands joueurs de cartes. « J’ai chialé pendant dix minutes », raconte- t-il dans une vidéo postée juste après sa prestation sur Facebook.

La valeur de l’argent
Son compte a atteint le plafond des 5 000 fans. Ce témoignage, comme tout ce qu’il publie, a suscité des centaines de commentaires. Dans le milieu du poker, sa réputation n’est plus à faire. En plus, le Poitevin adore partager ses impressions et ses meilleurs coups avec le public. Premier joueur de l’histoire à avoir remporté trois Winamax Series entre 2012 et 2014, victorieux du King5 avec des amis, il affiche fièrement dans son salon le pic en acier, son plus beau trophée décroché lors du « side event » d’un récent festival EPT, « la Ligue Europa du poker ». Les connaisseurs apprécieront. Point d’orgue de cette « carrière », Adrien est devenu l’un des dix membres de la Team Pro sponsorisés par Winamax en 2015 après sept semaines d’épreuves éliminatoires à la manière de la Star Academy, rebaptisée pour l’occasion « Top Shark Academy ». Signe particulier : à cette époque-là, il pouvait jouer jusqu’à seize parties en simultané sur son ordinateur... Passionné par ce jeu, Adrien a développé des compétences en psychologie humaine qui ont fait de lui l’un des meilleurs pratiquants français. Au cours d’une partie, il analyse tout, de l’attitude générale de ses adversaires à la marque de leur montre. Pour savoir jusqu’à quand ils résisteront à la pression. Mais sa dernière performance a été d’autant plus saluée qu’Adrien Guyon s’était plutôt fait discret depuis janvier 2016 et la fin de son contrat professionnel. « Je venais d’être papa d’une petite fille, j’avais moins faim de victoire et j’étais fatigué de ce rythme de fou. » Lui qui observait déjà son beaupère jouer au poker « à l’âge de 5-6 ans », qui a lâché son boulot dans un centre d’appels de la Technopole du Futuroscope pour le poker à la vingtaine, souhaitait prendre du recul sur cet univers sans repère. « J’ai toujours été l’un des seuls joueurs à être en couple. Les tournois de poker de haut niveau sont surtout fréquentés par des hommes égocentriques », admet l’intéressé. Le trentenaire ne se place pas dans la même catégorie. Jamais il ne claquera des milliers d’euros dans une soirée alcoolisée. Pas son genre. Ses parents ne roulent pas sur l’or, il a donc très tôt appris la valeur de l’argent. « Et puis je ne me suis jamais pris pour une rockstar, je ne fais que jouer aux cartes. » Ce ne sont pas ses camarades du Poitiers poker club, dont il est encore pensionnaire, qui diront le contraire.

Notoriété utile
Cette philosophie de vie ne date pas d’hier. D’un naturel anxieux, Adrien se souvient qu’un matin, il s’est réveillé avec un terrible sentiment... d’inutilité. «A quoi je sers dans ce monde ? » Cette question en taraude plus d’un. Adrien a décidé d’agir : « J’ai pensé à ma fille. J’ai tapé association et enfant dans mon moteur de recherche et je suis tombé sur le site d’Un Hôpital pour les enfants. J’ai organisé un tournoi caritatif pour lui apporter de l’argent. » Bilan : 300 participants et 2 000€ récoltés. A deux reprises, il a ensuite sollicité sa communauté de fans pour envoyer des cadeaux de Noël aux enfants hospitalisés. « Autant que ma notoriété serve à d’autres ! » En voyage à Marrakech, rebelote. « J’ai recueilli de l’argent pour un orphelinat de la ville. Avec ma compagne, nous avons acheté des poupées, des ballons et du Nutella, ils n’en mangeaient jamais ! »

Sa famille, ses amis et une passion revendiquée pour la pêche à la carpe lui permettent de garder les pieds sur terre. Il écarte toute addiction pour le poker. En revanche, Adrien parie beaucoup. Sur un match de foot, une partie de pétanque avec des amis ou même un match de deuxième division de hockey sur glace en Hongrie, alors qu’il ne connaît pas les règles ! Aujourd’hui, il s’est lancé dans le coaching. Auto-entrepreneur, il conseille une dizaine de joueurs francophones, en France bien sûr, mais aussi au Canada ou en Chine. Il donne des cours de perfectionnement. Cette activité lui confère (enfin) un revenu régulier. Dans sa petite maison de Payré, il aspire désormais à une vie plus stable. « J’ai un milliard de bons souvenirs avec le poker, j’ai participé à tous les plus gros tournois du monde. Mais je ne pouvais pas emprunter pour acheter ma maison, je n’ai pas cotisé pour ma retraite... » Sans oublier le risque de tout perdre. Au poker, on appelle cela la variance. Et personne n’y échappe.

Crédit Photo : Sophie Pons

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