2018, année de la (re)naissance pour Mathieu Beaulieu

Mathieu Beaulieu. 35 ans. Châtelleraudais. Détecté autiste Asperger en 2018. Se raconte sans filtre dans un livre touchant sur son parcours, de sa naissance à sa vie d’adulte. Différent et brillant. Marié à Anaïs. Informaticien. Aujourd’hui apaisé.

Arnault Varanne

Le7.info

La couverture le dépeint le visage tailladé et le cerveau en surchauffe. Des volutes de fumée s’échappent de son crâne(*). Et pourtant, il sourit à la vie Mathieu Beaulieu. A 35 ans, il a un job d’informaticien dans une entreprise de l’aéronautique, une femme charmante et une maison coquette. Derrière ce tableau idyllique, se cachent des fragilités qu’il décrit par le menu dans un livre intitulé C’est l’histoire d’un Asperger. Il se met à nu au fil des 311 pages. Sans retenue ni gêne. De son enfance au « jour d’après », l’Aspie raconte les trente-deux ans qu’il lui a fallu pour « mettre un nom sur sa différence ». Mathieu souffre du syndrome d’Asperger. Une psychologue spécialiste des troubles du spectre autistique et un psychiatre en ont attesté en 2018. « Un soulagement qui a permis de donner beaucoup de sens à mon vécu... »

« Ils ont compris des choses »

Ses résultats scolaires « en dents de scie » et sa solitude dans la cour de récré -assortie de quelques brimades- n’étaient donc qu’un miroir déformant de son potentiel intellectuel très supérieur à la moyenne. « Mathieu, c’est quelqu’un d’extraordinaire, il est dans son monde », souffle Anaïs, aux premières loges de l’entretien de son mari avec votre serviteur. Extraordinaire et différent donc. « De toute façon, tu as un comportement d’autiste », lui a-t-elle lâché avec humour, après quelques semaines de vie commune. Au collège, un prof de technologie avait aussi sonné l’alerte. Celui qu’on considère comme le « petit génie de l’informatique » ne rentre pas dans les cases. La gestion de ses émotions, sa relation aux autres, la peur des longs déplacements ou encore son obsession de la perfection l’ont parfois conduit au bord du précipice. « Une réunion de famille à plus de six, c’est juste pas possible », observe Anaïs. Trop de bruit, de sollicitations qui mettent ses nerfs à rude épreuve. L’ancien élève du lycée Branly, un temps dépanneur électroménager et vendeur, puis redevenu étudiant, a désormais appris à vivre avec ses différences. La méditation et la relaxation sont ses meilleures armes.

Et puis le regard des autres a changé, notamment dans sa famille. « Ils ont compris des choses... » Idem dans la sphère professionnelle, même si la bienveillance reste à géométrie variable. En septembre 2019, il a été victime d’un phénomène de bore out, littéralement d’ennui au travail. « A force de prendre trop de précautions avec moi, on avait fini par ne plus me donner de travail ! » Une vilaine dépression l’a éloigné de son poste pendant dix mois. Mais lui a aussi permis de reprendre puis d'achever l'écriture de sa biographie. Une catharsis salvatrice pour lui, mais aussi et surtout « pour tous ceux qui ne savent pas pourquoi ils ne se sentent pas bien dans leur vie. Il existe beaucoup de livres écrits par des spécialistes, mais peu racontés de l’intérieur ».

« Faire du bien aux autres »

Son atypisme, Mathieu Beaulieu a appris à le dompter, y compris dans la sphère privée. Terminées les nuits entières à se consacrer à des passions dévorantes et par ricochet épuisantes. Anaïs le tempère, le décentre presque. Reste qu’il cultive le virus de l’informatique, code dans plusieurs langages, adore créer des maps dans les jeux vidéo... Quand il lâche son PC, le trentenaire se mue parfois en musicien. Nor- mal pour quiconque a fréquenté le conservatoire pendant une quinzaine d’années. Guitariste, batteur et (un peu) pianiste, l’Aspie aime aussi... fabriquer des instruments. Comme ce butadrum et ce handpan qui trônent dans son salon. « C’est assez relaxant, voilà pourquoi je m’y suis mis ! » L’aéromodélisme a eu ses faveurs, le tricot les a encore. « Je souffrais terriblement d’ennui lorsque j’étais enfant et ma mère m’a initié. Ça me canalisait. » Fan absolu de Georges Brassens, l’intéressé compose et chante par-dessus le marché ! Il a d’ailleurs dédié une chanson à sa chère et tendre, Si seul.

Il ne l’est plus, soulagé de partager son histoire et même de « faire du bien aux autres ». « Tu prends naissance le jour où tu comprends qui tu es. » C’était en 2018. Depuis, son cerveau frôle moins la surchauffe qu’avant. C’est l’histoire d’un mec... « pas tout à fait normal. Mais qui est en mesure de dire qu’il est normal ? » Vous avez quatre heures.

(*) Il a lui-même réalisé la couverture du livre. C’est l’histoire d’un Asperger, de Mathieu Beaulieu. MB Editions - 311 pages - 15,99€ - Disponible sur Amazon et dans les libraires de Châtellerault.

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