Le parcours cousu main de Lydie Gallet

Lydie Gallet, 59 ans. Ex-collaboratrice d’un cabinet d’avoués auprès de la cour d’appel de Poitiers. A opéré un virage en épingle pour se reconvertir dans la maroquinerie, sa passion, au cœur de la Cité des Tanneurs, berceau de l’histoire familiale.

Romain Mudrak

Le7.info

Une douce odeur de feu de bois embaume son atelier. A droite, le long comptoir massif d’un joli bar invite à la discussion. Il y a dix ans, Lydie Gallet a installé son enseigne de maroquinerie Badine, du nom d’une longue cravache utilisée à cheval par les Amazones, dans un ancien café du bourg de Lavausseau. Avec vue directe sur la Commanderie de l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, classée aux Monuments historiques, dont le principal savoir-faire était… le travail du cuir. Pour Lydie, choisir ce village n’était donc pas un hasard. D’autant qu’à la grande époque, entre les deux guerres et même un peu après, une demi-douzaine de tanneries d’ici appartenaient à la famille de son mari, les Gallet.

« Pas une danseuse pour m’occuper l’esprit »

Lydie Gallet, c’est l’histoire d’une reconversion réussie. Au départ juriste, formée à la faculté de Droit de Poitiers, elle a longtemps collaboré avec son époux, qui exerçait le métier d’avoué auprès de la cour d’appel. Lorsqu’une énième réforme de la justice a fait disparaître ce métier, le couple a dû tout remettre en cause. Lui est devenu avocat, elle, maroquinière. « C’était un vrai choix, pas une danseuse pour m’occuper l’esprit. Je fais les choses à fond ou je ne les fais pas. » Cavalière émérite, passionnée par l’univers du cheval, Lydie s’oriente d’abord vers la sellerie, création et rénovation, dans les haras de La Roche-sur-Yon. Et puis « au hasard d’un module de formation », elle conçoit un cartable en cuir pour homme, de A à Z. C’est la révélation. « La reconversion n’est pas donnée à tout le monde. Il faut vraiment accepter de se remettre en question », souligne l’intéressée. Un stage effectué chez une artisane du Sud-Ouest qui travaillait pour Hermès a fini de la convaincre. Dans son arbre généalogique personnel, figurent aussi des marchands-tanneurs.

Le travail du cuir lui plaît. A l’ancienne, sans machine. « Je suis spécialisée dans la couture à la main. C’est plus qu’un concept, cela correspond à un état d’esprit, à une envie de renouer avec la tradition. » Rien à voir avec les copies standardisées des grandes surfaces. Tout est personnalisable. Evidemment, c’est plus cher, même si Lydie explique dans un sourire ne pas s’appliquer le Smic horaire. Là où il faudrait six heures pour fabriquer une pièce de façon industrielle, Lydie en met trente… Mais le résultat est stupéfiant. « Quand j’utilise un vieil outil qui appartenait à mon grand-père, je suis fière. » Comme une impression d’être dans le vrai, sans usurper une identité. Une chose est sûre, l’habit du maroquinier n’est pas trop grand pour elle. Lydie défend le travail de qualité, qui dure dans le temps.

Juge du tribunal de commerce

En cette période difficile, l’angoisse provoquée par la crise sanitaire, le couvre-feu et les confinements successifs ont plombé le tourisme et les achats plaisir. Mais les clients sont fidèles. « Je sais que c’est facile de privilégier la qualité quand on a les moyens. Pourtant, je n’ai pas que des gens riches parmi mes clients. Certaines femmes veulent posséder un sac fait à la main, comme leur mère. » Il faut les conseiller, réajuster, s’adapter et surtout ne pas les décevoir. « Les clients ont tous une image dans la tête et moi je dois comprendre ce qu’ils veulent. » Certains viennent avec des photos ou des dessins…

Lydie Gallet prend le temps d’écouter, avec bienveillance. Elle cherche à voir au-delà des apparences, avec l’humour et la répartie qui la caractérisent. Ces qualités et ses compétences de juriste, elle les met désormais au service du tribunal de commerce, où elle exerce les fonctions de magistrate plusieurs fois par mois, au service du contentieux général. « Ça me manquait ! Dans le cabinet de mon mari, je me suis souvent dit qu’on mâchait le travail au juge, plaisante-t-elle. Aujourd’hui, je sais que c’est plus compliqué ! » Une manière de concilier deux vies que tout opposait.

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