La surdicécité
veut être vue et entendue

A l’occasion de la Journée mondiale de la surdicécité, le Cresam a choisi de faire connaître au plus grand nombre ce handicap rare et unique à travers une manifestation festive et originale. Rendez-vous le 27 juin, au parc de Blossac à Poitiers.

Claire Brugier

Le7.info

4 500, 6 500, voire beaucoup plus de personnes selon les estimations. La surdicécité est un handicap rare et méconnu, trop souvent résumé à l’addition d’une déficience visuelle et d’une déficience auditive. Derrière la contraction des termes surdité et cécité se cache pourtant -bien malgré lui- un handicap à part entière, qui requiert « la mise en œuvre de protocoles particuliers qui ne sont pas la simple addition des techniques employées pour compenser les déficiences auditives et visuelles », rappelle Hugues Allonneau, conseiller référent formation au Cresam.

Basé à Saint-Benoît, le Centre national de ressources handicaps rares dédié à la surdicécité s’inscrit dans la longue tradition poitevine d’accueil des sourdaveugles. Dès 1857, sur le site de Larnay, à Biard, les religieuses de la congrégation des Filles de la Sagesse ont accueilli les premières petites filles sourdes et aveugles. Malgré cet héritage, « même à Poitiers la surdicécité reste invisible », déplore Hugues Allonneau. La prise en charge du handicap ne la reconnaît pas davantage et contraint à ce choix cornélien : se déclarer sourd ou aveugle quand on est les deux et que l’on vit dans un monde silencieux et sans images.

Contre cette invisibilité sociale et administrative, à l’appel de Deafblind International, le Cresam organise le 27 juin, Journée mondiale de la surdicécité, une action festive autour du yarn bombing (tricot urbain). Ce dimanche-là, le kiosque du parc de Blossac va être habillé d’un joyeux patchwork de carrés de tricot multicolores, avec une prédominance de bleu turquoise, jaune et bleu marine, les couleurs du drapeau sourd. Pique-nique, partages d’expériences, informations sur ce handicap seront rythmés par la présence de la fanfare La Clique sur mer.

« Je suis devenue aveugle à 59 ans »

Depuis plusieurs semaines, des petites mains se sont donc armées d’aiguilles pour apporter leur carré de laine 20cmx20cm à cette initiative. Toutes les bonnes volontés sont mobilisées, les personnes en situation de surdicécité également, qu’elles soient en structure ou à domicile. Dans l’appartement de Marie-Christine, à Poitiers, quelques pelotes de laine traînent. Née sourde, cette femme de 66 ans a progressivement développé le syndrome d’Usher. « Je suis devenue aveugle à 59 ans », explique-t-elle en langue des signes. Pour communiquer, elle pose ses mains sur celles de son interlocuteur lorsqu’il signe. Dans son appartement, la sexagénaire sait se repérer, à tâtons. A l’extérieur… Elle s’aventure encore à aller à la poste en bus seule, avec sa canne, au risque de se retrouver complètement désorientée souvent. Sur elle, elle porte toujours une carte avec des numéros d’urgence. Le reste du temps, elle sort accompagnée. « Avec Gwendoline (ndlr, son aide à domicile de Familles rurale-Apef), on va faire des courses, choisir des vêtements. On va au café aussi, on échange, je sens l’ambiance autour, j’essaie de me souvenir, raconte Marie-Christine. Je prends l’air, ça me change les idées. » Elle va aussi au concert au Tap. Un ballon gonflable entre les genoux lui permet de ressentir les vibrations de la musique. Active, la Poitevine profite des minces libertés que son handicap lui concède. L’avantage avec la laine, c’est qu’elle est à la fois visuelle et tactile.

Journée mondiale de la surdicécité, le 27 juin, de 11h à 17h, autour du kiosque du parc de Blossac, à Poitiers. Accès libre. 
Plus d’infos sur cresam.org.

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