France, une souffrance contemporaine

Une journaliste en vogue voit soudainement sa célébrité se retourner contre elle. A travers ce portrait de femme grisée par le succès, le cinéaste Bruno Dumont dépeint une société ayant perdu le sens de son humanité. Radical mais brillant.

Steve Henot

Le7.info

France de Meurs est la journaliste du moment, la nouvelle reine du PAF. Ce n’est pas pour déplaire à l’intéressée dont le style détonne. Toujours prête à se mettre en scène et à faire le « buzz » pour s’attirer les « like » et commentaires flatteurs sur les réseaux sociaux, elle fait de sa précieuse notoriété un moteur. Mais la roue tourne le jour où elle renverse un jeune homme en scooter. L’affaire éclate. France fait alors face au scandale -à la démesure de son image médiatique- et découvre pour la première fois le revers de la médaille.

L’expérience est évidemment douloureuse, ce ne sera pas la dernière. Durant un peu plus de deux heures, Bruno Dumont ne ménage pas son personnage, lui faisant payer chèrement sa vanité. France a beau être détestable -narcissique au possible- on s’y attache pourtant. Parce que la journaliste a priori intouchable tombe le masque face aux épreuves, laissant entrevoir une empathie, des remords… Et une souffrance enfouie derrière les attraits du star system. A travers cette figure de mater dolorosa poussée assez loin, le cinéaste dénonce la machine médiatique qui façonne aussi rapidement qu’elle ne broie les icônes de notre époque. Au-delà, il livre une satire de ses contemporains, société du paraître déshumanisée, dénuée de compassion et d’écoute. Radicale par ses choix -notamment de mise en scène, avec ces regards caméra aussi beaux que dérangeants-, la proposition se veut moins accessible et romanesque qu’un Adieu les cons mais pas moins pertinente. Sans compter une Léa Seydoux magistrale dans la peau de cette femme écorchée, en quête d’un bonheur moins variable qu’une côte de popularité. Du grand cinéma d'auteur.

Drame de Bruno Dumont, avec Léa Seydoux, Blanche Gardin, Benjamin Biolay (2h14).

DR - Roger Arpajou/3B

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