Petit pain

Le Regard de la semaine est signé Lana Asaad.

Le7.info

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Des parfums subtils nous 
relient aux choses ancrées dans notre mémoire. Parfois, ces parfums nous transportent dans le passé, des moments oubliés mais qui, en vérité, vivent en nous-mêmes. C’est comme un voyage dans le temps, qui défile sous nos yeux. L’odorat est une merveille, un sens à la fois du passé et de l’instant.

Les odeurs nous permettent cet aller-retour temporel, accompagnées du goût et d’une certaine forme de liberté. Pour moi, la plus belle est celle du pain qui sort du four, surtout le matin. Elle porte avec elle de délicieux souvenirs. Elle renvoie à l’odeur de terroir qui s’imprègne sur les habits de tout voyageur. Je pense à ma grand-mère qui pétrissait son pain. Je sentais son odeur lointaine lorsque je rentrais à la maison. Cette journée était à chaque fois spéciale pour moi. C’est pour cette raison que lorsque j’hume ces effluves, tout un pan de souvenirs m’envahit jusqu’au plus profond de moi-même. Le pain a un effet magique sur moi. Ou que je sois, inconsciemment ou consciemment, cette odeur merveilleuse me poursuit.

Cette situation emplit tout mon être d’une joie douce. Aucune autre odeur ne rivalise avec cette sensation. C’est cette odeur qui me rappelle mon enfance, ma ville de Bagdad, ses souks, ses couleurs, ma grand-mère et ses contes. Elle coïncide aussi avec une période de ma vie, l’enfance, synonyme d’insouciance et d’harmonie avec la mère de ma mère, qui me préparait le goûter avec un succulent miel de pays. 

Le pain nous permettait de nous réunir, de nous rassembler dans une ambiance festive et empreinte d’amour. Aujourd’hui, à chaque fois que je franchis la porte d’une boulangerie, le film défile sous mes yeux, avec forcément un léger parfum de nostalgie. J’ai aujourd’hui la chance de vivre dans un pays qui excelle dans cet art si particulier. J’en ai conscience. De Bagdad à Châtellerault, mon fil rouge est en réalité une simple baguette. De la farine, du sel, de l’eau et de la levure. La recette est immuable et universelle.

CV express

Journaliste irakienne. Kurde. Gérante d’un salon de thé à Châtellerault. Diplômée en journalisme à l’université de Souleimaniye, j’ai complété ma formation par un master en communication. J’ai quitté l’Irak en guerre en 2009, avant d’exercer mon métier en Egypte puis en Jordanie. En 2012, j’ai choisi la France pour poser mes valises et commencer une nouvelle aventure.

J'aime : Simone de Beauvoir, Paulo Coelho, Gabriel Garcia Màrquez, la photo, le chocolat, jouer avec les mots, la mer qu’on voit danser, la nuit et l’odeur de la pluie.

J'aime pas : la chaleur, les klaxons, l’intolérance, l’impolitesse, la violence, la sirène les premiers mercredis du mois, un souvenir de guerre.

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